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Bercy soutient la conclusion de la mission de Christian Noyer qui juge « hasardeuse » la création d’un nouveau groupe mutualiste et s’interroge sur la « viabilité » du Crédit Mutuel Arkéa en solo. Le Trésor et la Banque de France demandent au président d’Arkéa de fournir un document complet sur toutes les conséquences d’une scission.

Douche froide au siège de Crédit Mutuel Arkéa, qui regroupe les fédérations de l’Ouest de la banque mutualiste (Bretagne, Sud-Ouest, Massif Central). L’État ne regarde décidément pas du tout d’un bon œil son projet de séparation du Crédit Mutuel et de création d’un groupe bancaire mutualiste distinct, indépendant. L’ancien gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, avait été chargé d’une mission sur le différend qui oppose Crédit Mutuel Arkéa à l’organe central, la Confédération nationale du Crédit Mutuel. Différend qualifié « de nature interne ».

« Les pouvoirs publics partagent les conclusions de cette mission, communiquées dans un courrier de Christian Noyer annexé au présent communiqué » indique le ministère de l’Economie et des Finances ce lundi soir, qui écrit que « le gouvernement ne souhaite pas modifier la loi existante.« 

Le fonctionnement du Crédit Mutuel est en effet régi par le Code monétaire et financier et la modification de celui-ci serait nécessaire. Bercy réitère que les pouvoirs publics exerceront « la plus grande vigilance » à l’égard notamment de la protection des déposants et des clients.

Pas viable en solo ?

Lesdites conclusions de la mission sont assez cinglantes :

« le maintien de l’unité serait nettement préférable, tant pour la stabilité de l’ensemble du monde bancaire mutualiste et la crédibilité du modèle mutualiste français au sein de l’union bancaire, que d’un point de vue prudentiel, dans la mesure où la viabilité du Crédit Mutuel Arkéa dans un scénario de séparation demeure encore à vérifier. » considère Christian Noyer « pour [sa] part. »

Le gouverneur honoraire de la Banque de France écrit même dans ce courrier daté du 19 janvier et adressé à la directrice générale du Trésor, Odile Renaud-Basso, et au gouverneur actuel, François Villeroy de Galhau, que :

« la solution passant par la création par la loi d’un nouveau groupe mutualiste et d’un nouvel organe central est hasardeuse, compte tenu de l’absence de consensus entre les parties sur un tel schéma et du risque de fragilisation de l’ensemble du modèle français de réseau mutualiste intégré. »

Il estime q’une solution non législative est possible, par exemple « l’agrément d’un seul établissement de crédit, avec transfert d’actifs des caisses locales. »

« Séparation unilatérale »

Bercy publie en plus de ces conclusions la lettre adressée le 25 janvier par la directrice du Trésor et le gouverneur de la Banque de France, en tant que président de l’Autorité de contrôle prudentiel  et de résolution (ACPR), le gendarme des banques, à Jean-Pierre Denis, le président du Crédit Mutuel de Bretagne et du Crédit Mutuel Arkéa, qui a reçu le soutien du conseil d’administration pour créer ce groupe indépendant et a prévu de consulter les caisses locales sur ce projet.

« Cette consultation devrait être précédée d’un éclairage complet et précis sur les conséquences juridiques, prudentielles, financières, opérationnelles et commerciales qu’une telle décision emporterait pour les caisses locales concernées » écrivent Odile Renaud-Basso et François Villeroy de Galhau, qui souligne que cette « séparation unilatérale » ne peut s’appuyer sur « l’hypothèse d’une modification du cadre législatif, qui n’est pas envisagée par le gouvernement ».

La directrice générale du Trésor et le président de l’ACPR insistent sur la nécessité de présenter « un scénario plus précis de sortie éventuelle […] rigoureusement documenté » où figureraient « les perspectives d’évolution de ses besoins en fonds propres et de ses conditions de refinancement, au regard de l’appréciation de la viabilité et de la solidité d’un groupe Arkéa devenu indépendant et de la disparition du mécanisme de solidarité avec le reste du groupe de Crédit Mutuel, et enfin de la perte de l’usage de la marque Crédit Mutuel. Cette décision potentiellement très importante pour tous les sociétaires suppose en effet leur complète information » concluent-ils.

La lettre est rendue publique à dessein : les deux auteurs demandent au président de Crédit Mutuel Arkéa de la porter à la connaissance de toutes les caisses locales.

La ligne semble désormais étroite pour le dirigeant d’Arkéa, sachant que la fédération du Massif central a déjà fait savoir qu’elle voulait rejoindre l’ensemble CM-11 qui regroupe les onze autres fédérations du Crédit Mutuel. Le plus gros ensemble de la banque mutualiste est présidé par Nicolas Théry, qui est aussi le président de la Confédération nationale avec laquelle Arkéa est en conflit.