Le Crédit mutuel Arkéa et la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) sont au bord de la rupture. Pour se libérer du joug de l’organe central, le rebelle breton serait prêt à abandonner la marque commerciale « Crédit mutuel ». Une perspective qui effraie les syndicats.

La guerre fratricide assortie d’une féroce bataille judiciaire qui met aux prises le Crédit mutuel Arkéa (qui regroupe les fédérations de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif Central) avec sa confédération nationale (CNCM) s’apprête à prendre un tour nouveau. Jean-Pierre Denis, le président du groupe Arkéa, a annoncé qu’il allait proposer ce mercredi à son conseil d’administration de se prononcer sur une éventuelle sortie de la CNCM, tout en obtenant le statut d’un groupe coopératif et mutualiste indépendant, distinct du Crédit mutuel. À partir de vendredi, les conseils d’administration des trois fédérations seront également consultés sur ce sujet.

« Autonomie et liberté de décision entravée »

Au siège du groupe breton, on explique cette décision par la multiplication, ces derniers mois, « des injonctions et des pressions de la Confédération visant à centraliser le Crédit mutuel Arkéa ». « Leurs demandes qui sont de plus en plus pressantes nuisent à notre développement. Notre autonomie et notre liberté de décision sont entravées », ajoute-t-on au siège du groupe où l’on insiste sur les bons résultats du CM Arkéa depuis 2008 avec une solidité financière « au niveau des plus hauts standards de la Place ».

« Une plongée dans l’inconnu »

La sortie du Crédit mutuel Arkéa de la Confédération nationale assortie de l’abandon de la marque « Crédit mutuel » est une perspective qui effraie les syndicats. Ils le vivent comme une plongée dans l’inconnu. Réunies en intersyndicale, la CFDT, la CGT, l’Unsa et la SNB plaident pour le maintien d’Arkéa au sein du Crédit mutuel. Ils ont adressé une lettre aux administrateurs pour les alerter sur les conséquences d’une perte de la marque sur l’avenir du groupe mutualiste et la pérennité de ses 9.000 emplois.

« Soyons clairs, l’autonomie du Crédit mutuel Arkéa ne semble plus la finalité. L’objectif semble désormais l’indépendance hors de la Confédération nationale du Crédit mutuel », accusent ces organisations. Il faut dire que, fin octobre 2017, l’office de l’Union européenne de la propriété intellectuelle avait donné raison à la CNCM en affirmant que le bénéfice de la marque « Crédit mutuel » était indissociable de l’appartenance à la Confédération nationale.

« Un avenir flou »

Pour l’intersyndicale, cette sortie crée de lourdes incertitudes : « L’avenir des parts sociales, constituante majeure de nos fonds propres, est flou, l’accord d’un agrément bancaire si nous devenions indépendants n’est à ce jour pas garanti, notre notation sur la place financière serait vraisemblablement révisée de manière négative ».

Les syndicats s’inquiètent aussi du risque de voir s’implanter des agences Crédit mutuel sur les territoires alors que ce danger n’existe pas aujourd’hui en raison des règles de territorialité. « Face à de nouvelles agences, la confusion serait totale pour nos sociétaires et clients. » Pour résumer un syndicaliste prédit une énorme pagaille : « On peut divorcer de son époux ou de son épouse, mais pas de son frère ou de sa soeur ».

Une décision du tribunal aujourd’hui

Une nouvelle étape à suivre dans cette longue bataille judiciaire, souvent complexe et technique : on attend, aujourd’hui, la décision de la cour d’appel de Paris relative à la possibilité ou non pour la CNCM de se transformer en société, en vue de devenir ensuite un établissement de crédit. La CNCM conteste un jugement rendu en janvier 2016 par le Tribunal de grande instance de Paris. Le TGI avait considéré que cette réforme ne pouvait se tenir sans l’accord du Crédit mutuel Arkéa.

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