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Présidée par l’ex-chiraquien et inspecteur des finances Jean-Pierre Denis, Arkéa est décidément une banque d’une curieuse espèce. Alors que le secteur de la finance jouit dans l’opinion d’une réputation qui n’est déjà guère glorieuse, l’établissement se laisse pourtant aller à des embardées qui risquent de ternir un peu plus son image. Ainsi la banque est-elle partie, tête baissée, dans une folle aventure, pour scissionner de la Caisse nationale du Crédit mutuel (CNCM). Et dans cette opération, comme l’a chroniqué Mediapart au travers de très nombreuses enquêtes, elle a constamment défié les autorités de tutelle, dont la Banque centrale européenne, sans jamais prendre en compte ses mises en garde.

Mais par surcroît, la banque a aussi pris l’habitude de jouer constamment sur le registre de l’anti-syndicalisme. Cette guerre menée contre les organisations syndicales et les représentants élus du personnel dans les différentes instances de la banque avait déjà pris une première forme, spectaculaire, avec une manifestation à Paris organisée par un collectif de salariés dont les ficelles sont tirées en sous-main par la direction de la banque. Les salariés avaient donc été conviés à une manifestation patronale, tous frais payés, salaires compris, pour soutenir le projet aventureux de Jean-Pierre Denis.

Mais après cette première offensive contre les représentants élus du personnel, une deuxième a pris forme ces derniers jours. Cette fois-ci, ce sera peut-être la provocation de trop, car elle a indigné toutes les organisations syndicales et tous les élus du personnel, qui ont décidé de suspendre ou d’ajourner les rendez-vous de concertation prévus dans les différentes instances représentatives des salariés, dans le cadre de la consultation sur le projet d’indépendance.

L’offensive a pris la forme d’un mail adressé par le même collectif de salariés, animé par des cadres dirigeants de la banque, dénonçant l’intersyndicale de la banque supposée être « cornaquée » par la CNCM, et « agitant des peurs » ; ce collectif met aussi en cause le « parti pris » de Syndex, le cabinet d’audit mandaté par le comité central d’entreprise pour examiner le projet d’indépendance. Voici ce mail adressé vendredi 21 septembre à tous les salariés, grâce aux moyens fournis par la direction de la banque.

Aussitôt, ce texte incendiaire a mis le feu aux poudres. Le jour même, l’instance de représentation du personnel que le comité central d’entreprise avait mandatée pour expertiser les éventuelles conséquences sociales du projet d’indépendance, a estimé qu’elle ne pouvait plus travailler dans des conditions normales de sérénité, et décidé de suspendre la séance de travail qu’elle tenait. Et elle a aussitôt adressé un message au directeur des relations humaines (DRH) de la banque, le pressant de désavouer ce texte.

Voici ce courriel des représentants du personnel :

 

Dans ce mail, les représentants du personnel pressaient le DRH de la manière suivante : « Nous vous demandons une nouvelle fois, afin de rétablir les prérogatives des instances représentatives du personnel (IRP), leur crédibilité et un fonctionnement normal du dialogue social, de dénoncer publiquement et par les mêmes canaux (mail aux salariés et presse) les propos calomnieux injustement tenus dans le mail du collectif. »

Et ils ajoutent : « À de nombreuses reprises nous vous avons demandé de faire cesser les envois de mails de ce collectif à tous les salariés. Vous avez systématiquement refusé. En l’espèce, la dernière communication du collectif de salariés constitue, en pleine période de consultation des instances centrales, une entrave au bon fonctionnement du dialogue social. Lorsque ce mail est arrivé vendredi, une CPC-HSCT ordinaire avait lieu, au cours de laquelle l’instance et les OSR réunies vous ont demandé une dénonciation des propos tenus par le collectif. Vous avez demandé un délai pour vous positionner, délai qui vous a été accordé. Vous vous êtes donc engagés à revenir avec une réponse après le week-end. Nous vous avons bien précisé qu’une absence de désaveu des propos tenus constituerait à nos yeux une caution aux accusations contenues dans le message du collectif. Vous avez fait le choix délibéré de ne pas démentir les propos du collectif. Dès lors, il est possible de considérer que ceci est constitutif, en plus d’une diffamation des organisations syndicales représentatives (OSR), du cabinet Syndex et des instances représentatives du personnel dont vous faites partie, d’un délit d’entrave à la consultation des instances centrales. »

Peine perdue ! Le DRH a aussitôt apporté une réponse dilatoire, faisant comme s’il ignorait que ce collectif agissait de concert avec la direction de la banque, avec les moyens matériels fournis par elle.

Voici cette réponse :

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Ce message a encore plus envenimé les choses. Tant et si bien que mardi 25 septembre, les représentants élus du personnel, réunis pour le comité d’entreprise du Crédit mutuel de Bretagne, et celui du siège, ont décidé aussi d’ajourner leurs séances.

De leur côté, les organisations syndicales d’Arkéa, CFDT, UNSA, SNB et CGT, ont publié au même moment un communiqué, indiquant qu’elles avaient écrit au directeur général de la banque et au DRH pour leur faire part de leur extrême inquiétude. Voici le communiqué des syndicats :

Dans ce communiqué, les syndicats préviennent la direction de la banque qu’ils ont fait suivre « aux autorités de tutelle » leur mise en garde. En clair, ils ont adressé une copie de leur courrier au ministère du travail, au ministère des finances et à l’Autorité des marchés financiers.

La situation sociale ne cesse donc de se dégrader. Voici Jean-Pierre Denis prévenu : en plus de la colère des autorités de tutelle, qui l’ont sans cesse mis en garde contre les dangers financiers de son aventure scissionniste, les représentants du personnel pourraient bien engager tôt ou tard une procédure pour délit d’entrave.Capture d’écran 2018-09-26 à 20.53.24