BERTRAND LANGLOIS/AFPPar Romain GueugneauPublié le 9 déc. 2019 à 15h00Mis à jour le 9 déc. 2019 à 18h16

Alors que Google, Apple, Amazon et Facebook poussent les feux dans les services financiers, le Conseil de Stabilité Financière du G20 pointe les risques que font peser les nouvelles offres de ces acteurs, à la fois sur les banques et sur le système financier.

Apple a lancé une offre de carte de crédit cet été aux Etats-Unis, en partenariat avec Goldman Sachs. Une initiative parmi tant d’autres chez les Gafa, à l’offensive dans la finance.

Peur sur la banque.  L’irruption des Gafa dans la finance est prise de plus en plus au sérieux par les régulateurs et les superviseurs du monde entier. Dans un rapport publié ce lundi, le Conseil de Stabilité Financière (FSB), émanant du G20, qui fédère les travaux des régulateurs des plus grandes économies de la planète, pointe la liste des risques que fait peser l’arrivée de ces nouveaux acteurs sur la stabilité du système financier.

Déjà présents dans le paiement depuis plusieurs années, les géants américains de la tech – et leurs équivalents asiatiques BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) – ne cachent plus leur ambition de croquer une plus grosse part du gâteau bancaire.

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Comme toujours avec les Gafa, leur taille, leur réputation et leur force de frappe financière fascinent autant qu’elles font peur. Parmi les bénéfices liés à l’incursion de ces nouveaux acteurs, les régulateurs saluent « le potentiel en termes d’innovation, de diversification et d’efficacité dans la fourniture de services financiers ». Apple, Google et les autres géants de la tech sont en effet les champions toutes catégories de l’expérience client. Les banques traditionnelles n’hésitent d’ailleurs pas à s’inspirer de leurs bonnes pratiques pour améliorer leurs propres services.

Facteurs d’inclusion

La force de ces mastodontes, reconnaît le FSB, c’est aussi leur capacité à faciliter l’inclusion bancaire de populations qui n’avaient jusqu’ici pas accès aux services financiers classiques. C’est le cas notamment dans les pays émergents. En Chine, où Alibaba, Tencent et Baidu proposent toujours plus de services bancaires, la proportion de la population « bancarisée » est passée de 63 % à 80 % entre 2011 et 2017, selon la Banque mondiale.

Si dans les pays occidentaux, l’incursion des Gafa se limite pour l’instant à des partenariats avec des banques traditionnelles, le FSB alerte néanmoins sur les risques que cela comporte. « Ce n’est pas le rôle des autorités de protéger les établissements financiers de la concurrence, mais régulateurs et superviseurs devraient se montrer particulièrement vigilants à l’impact d’une telle concurrence sur la viabilité des modèles économiques existants et la nature de la réponse à apporter ».

Cette concurrence peut certes présenter un intérêt pour les clients, avec une baisse des coûts. Mais elle pourrait aussi avoir un  effet négatif sur la rentabilité des banques , tout comme sur la solidité de leurs fonds propres.

Canal de propagation des crises

Outre les risques financiers habituels (solvabilité, liquidité, risques opérationnels) qui menaceront de la même manière les Gafa, le G20 s’inquiète surtout du nouveau canal de propagation de crise financière – s’il doit y en avoir une nouvelle – qu’ils peuvent représenter. En distribuant des services financiers, même via un partenariat avec une banque, ils relaient en effet les risques qui y sont associés, à une échelle potentiellement bien plus massive.

« Ces risques peuvent être particulièrement importants si ces services financiers ne sont pas facilement substituables et si la gestion des risques et les contrôles des Big Tech sont moins efficaces que ceux exigés auprès des institutions financières réglementées ». En clair, la supervision financière reste un métier, rappelle le FSB. Qui n’oublie sûrement pas que les Gafa n’aiment rien moins que de voir leurs activités régulées.

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Ce risque est d’autant plus grand que les Gafa sont peu nombreux. Leur concentration peut aussi poser problème en termes de gestion des risques, tout comme leur omniprésence dans le cloud.

Les autorités sont conscientes des problèmes liés à ces nouveaux acteurs. Leurs activités seront sujettes à régulation dans la plupart des pays, veut croire le FSB, qui s’interroge tout de même sur « les garanties qu’apporteront ces nouvelles règles ». D’une manière générale, avec l’offensive des Gafa, c’est tout le secteur financier qui fera l’objet d’une surveillance accrue.

Romain Gueugneau Les Echos