Par Véronique Chocron 09-09-2019
BNP Paribas veut ouvrir ses agences plus tard le soir, jusqu’à 19 heures, alors que les enseignes baissent aujourd’hui le rideau avant la sortie des bureaux. Depuis 2011, le nombre de succursales en France ne cesse de baisser.
« La banque est le dernier commerce de proximité aussi peu adapté à la vie des urbains. » C’est avec cette formule qu’une agence de communication mandatée par LCL avait annoncé, en octobre 2018, l’ouverture jusqu’à 20 heures de plusieurs agences de l’ex-Crédit lyonnais, à Paris et en région. Le test a duré trois mois. « Une expérience unique », dans la mesure où « dans les villes, la majorité des commerces de proximité ferment de plus en plus tardivement, alors que les banques ont en moyenne une amplitude horaire de 9 heures à 17 heures, avec une interruption en milieu de journée », avait alors indiqué l’établissement, dans un communiqué.
Tandis que LCL fait aujourd’hui savoir qu’elle est encore en train de tirer le bilan de cette expérimentation, d’autres banques veulent, elles aussi, adapter leurs horaires d’ouverture. BNP Paribas a ainsi lancé une négociation avec les représentants syndicaux de son réseau à Paris, afin de pouvoir ouvrir ses succursales jusqu’à 19 heures. L’objectif est « d’augmenter le business et de développer le parc de clients », affirme la CFDT des agences parisiennes dans un communiqué publié sur le site du syndicat. « Les agences qui proposeraient une nocturne ne seraient plus ouvertes le samedi après-midi, un créneau où l’affluence reste faible, avec peu d’activité à la clé », observe un syndicaliste.
« Le contexte économique est compliqué aujourd’hui pour les banques, avec les taux très bas. Il faut donc chercher à s’adapter aux clients et à se différencier des autres établissements, explique un élu parisien du SNB-CFE-CGC, première organisation syndicale chez BNP Paribas. Mais pas à n’importe quel prix. Nous défendons aussi la qualité de vie au travail, car beaucoup de conseillers clientèle n’habitent pas à Paris. »
« Réflexion stratégique »
Les discussions devraient aboutir à l’automne, mais si la direction de la banque n’obtenait pas l’aval des organisations syndicales, elle pourrait dénoncer le protocole d’accord sur les horaires variables. « Une réflexion stratégique est ouverte sur les horaires d’ouverture », mais « aucune décision n’a été prise », a réagi un porte-parole de BNP Paribas. Le Crédit mutuel conduit également « des expérimentations », reconnaît un porte-parole du groupe. Certaines agences testent notamment depuis peu l’ouverture de leurs guichets jusqu’à 19 heures, deux fois par semaine.
Pour les groupes bancaires, il s’agit de faire revenir le chaland dans leurs murs, où est encore réalisé l’essentiel des ventes
Pour les groupes bancaires, il s’agit de faire revenir le chaland dans leurs murs, où est encore réalisé l’essentiel des ventes, bien loin devant les achats de services sur leurs sites en ligne. Le grand soir de la banque numérique n’a pas encore eu lieu, puisque, selon le consultant Guillaume Almeras, fondateur du site spécialisé score-advisor.com, au moins 80 % des entrées en relation avec de nouveaux clients se font encore en agence.
Et ce, même si, en l’espace de dix ans, les guichets se sont vidés de leurs clients, sous l’effet conjugué de l’automatisation (distributeurs de billets, envoi des chéquiers et des cartes bancaires par La Poste, dépôts de chèques par boîte à lettres, etc.) et de l’utilisation des applications bancaires sur smartphone pour les opérations les plus courantes (consultation des comptes, virements…). Les banques en ligne, avec leur tarification bon marché, ont participé de cette désaffection, en attirant des clients, y compris sur des services à valeur ajoutée comme le crédit immobilier ou l’épargne financière.
Après avoir mesuré, année après année, l’effondrement du taux de fréquentation des points de vente, la Fédération bancaire française (FBF) a finalement renoncé à suivre cet indicateur. S’appuyant sur les données d’une trentaine d’agences issues de trois réseaux bancaires, Guillaume Almeras estime qu’un quart des clients se rendent désormais moins d’une fois par an dans l’agence qui détient leur compte principal. « Pour l’essentiel de la clientèle, la fréquentation de l’agence devrait se stabiliser autour de deux ou trois visites au maximum par an », ajoute-t-il.
Les banques cherchent donc un équilibre : d’un côté, maintenir un réseau d’agences suffisamment dense et plus adapté au rythme de vie des Français, pour générer des revenus ; de l’autre, fermer les points de vente jugés peu rentables. Même si les restructurations sont d’ampleur variable, les banques commerciales comme les mutualistes taillent désormais dans leurs réseaux.
Recherche constante de mesures d’économies
Au cours de la décennie, le nombre d’agences bancaires en France n’a cessé de décroître, pour s’établir à environ 36 500 points de vente à la fin de 2018, soit 2 300 agences bancaires de moins qu’en 2010, d’après les données de la Banque centrale européenne. Dans les pays voisins, le mouvement s’est révélé beaucoup plus violent. Au cours de ces dix dernières années, la zone euro a perdu plus d’un quart de ses agences bancaires, avec une diminution des guichets de 25 % en Italie, de près de 30 % en Allemagne, d’environ 40 % en Espagne et de plus de 50 % aux Pays-Bas.
Si les banques françaises agissent avec davantage de modération, elles n’en ont pas pour autant terminé avec les plans de fermetures. La recherche constante de mesures d’économies se poursuit, dans un contexte de taux d’intérêt très bas, voire négatifs, qui réduisent les marges sur les crédits et rendent coûteux les dépôts dormant sur les comptes courants.
La Société générale, après deux restructurations lancées en 2015 puis en 2017, a prévu de limiter son réseau à 1 700 agences en 2020. BNP Paribas, dotée d’un peu plus de 1 800 points de vente, continue d’en fermer plusieurs dizaines chaque année. Pour le patron d’une grande banque à réseau française, le seuil minimum « pour mailler le territoire » s’élève à 1 000 agences. Villes et villages n’ont donc pas fini de voir leurs banques baisser le rideau.En Allemagne, deux banques concurrentes font agences communes
Deux institutions financières concurrentes en Allemagne viennent d’annoncer l’ouverture d’agences partagées, relate l’AFP. C’est une première, alors que se multiplient les fermetures de points de vente. La banque mutualiste Frankfurter Volksbank et la caisse d’épargne Taunus Sparkasse, opérant près de Francfort, comptent lancer cette année leurs dix premières agences occupées en commun, des « Finanzpunkte », qui seront portés à vingt-six d’ici à 2021. Il s’agit de « réduire les frais fixes et partager les investissements », a justifié le président de la Taunus Sparkasse. « Nous utilisons des espaces communs, mais restons, bien sûr, concurrents », a précisé la directrice de la Frankfurter Volksbank.
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