Au plus tard, le 1er janvier 2020, le Crédit Mutuel Massif central quittera officiellement le groupe Arkéa pour rester Crédit Mutuel. Cette décision, difficile, mais nécessaire, résulte d’un constat largement partagé par les élus fédéraux du Massif central. Depuis deux ans, Arkéa nous envoie en effet de nombreux signes selon lesquels le projet d’indépendance défendu par Jean-Pierre Denis est, en réalité, synonyme d’une centralisation excessive au profit du siège situé à Brest, et d’une perte évidente de notre autonomie. Autant d’évolutions qui nous paraissent inacceptables.
Un engagement respecté, une décision transparente
Cette décision a été prise en toute transparence. Le 22 juin 2017, j’ai été élu à la tête du Crédit Mutuel Massif central sur trois engagements forts : œuvrer pour l’unité du Crédit Mutuel, en restant attachés à notre nom de marque?retrouver un siège à la confédération?retrouver, enfin, un système de facturation de nos caisses locales qui mette fin au véritable hold-up prévu par Arkéa afin de transférer les fonds propres de nos caisses vers le siège breton.
Au cours d’une campagne qui a duré six mois, je m’étais engagé à demander à notre conseil d’administration de se prononcer sur le maintien au sein d’Arkéa ou la convergence vers le CM11-CIC, qui regroupe pas moins de 11 fédérations d’envergure. Dont acte. Dès le 27 juin 2017, 82 % des élus fédéraux de nos trente caisses locales ont décidé de rejoindre le CM11-CIC. Leur choix est sans appel. Nos élus, condamnés à n’avoir plus aucun rôle stratégique et cantonnés à l’animation de la vie locale associative, ont bien compris les dangers du projet porté par Jean-Pierre Denis.
Les vraies intentions de Jean-Pierre Denis : centralisation et mort du mutualisme
Contrairement à ce que les dirigeants d’Arkéa se plaisent à répéter, leur projet de sécession tourne le dos aux valeurs mutualistes qui fondent notre groupe depuis sa création. S’ils parviennent à leurs fins, Arkéa deviendra une banque capitalistique comme une autre. Le cœur de leur projet, c’est la disparition pure et simple des caisses locales, et le basculement vers un modèle hypercentralisé : tout l’inverse du modèle actuel, qui n’a pourtant plus à faire ses preuves.
Le modèle Crédit Mutuel, qui est aujourd’hui à la fois un mouvement et une banque, se retrouvera scindé en deux : d’un côté, les opérations de banque et les investissements seront plus centralisés que jamais, entre les mains de quelques dirigeants à Brest?de l’autre, les futures «?sociétés coopératives locales?», qui remplaceront les caisses actuelles, se contenteront de distribuer les produits Arkéa. De simples coquilles vides, sans activité bancaire, sans autonomie et sans aucun pouvoir de décision.
Au-delà de la centralisation voulue par Jean-Pierre Denis, son projet, dévoilé le 29 juin dernier, recèle de graves dangers. Avec la disparition des caisses locales disposant d’un statut d’établissement de crédit, c’est le principe même de solidarité qui vole en éclat : la solidarité inter-caisses, mais aussi, avec le départ du groupe Crédit Mutuel, la solidarité intergroupe. En cas de difficulté, en cas de nouvelle crise financière, au cœur de la tempête, qui viendra au secours du frêle esquif que sera devenu Arkéa ?
Si Arkéa fait cavalier seul, la notation de la future banque pourrait être dégradée de deux crans, ce qui rendra le coût de l’argent plus cher pour le nouvel ensemble. Le coût de son refinancement et les dommages dus au Crédit Mutuel pèseront également sur ses comptes et sur sa compétitivité. Enfin, la perte de la marque Crédit Mutuel, marque bancaire préférée des Français, pourrait achever de fragiliser la future banque.
Le trouble jeu de Jean-Pierre Denis
Ces dangers, réels, Jean-Pierre Denis les balaie de la main. Il veut sa banque, quel qu’en soit le prix, et veut la contrôler intégralement avec ses seuls amis. Pour obtenir gain de cause et continuer de s’octroyer des rémunérations dignes de PDG du CAC 40, les dirigeants d’Arkéa sont prêts à tout sacrifier sur l’autel de l’ambition personnelle. Jusqu’à raconter tout et son contraire pour convaincre leurs interlocuteurs de la validité de leur projet.
Ainsi, après avoir juré, en octobre 2016, ne pas avoir l’intention d’abandonner la marque Crédit Mutuel, Jean-Pierre Denis est revenu sur ses propres paroles en janvier dernier. Après avoir critiqué la centralisation dont ferait preuve le Crédit Mutuel, il présente un projet encore plus centralisé. Après avoir prétendu défendre l’emploi, il n’a, à ce jour, pris aucun engagement en ce sens — et menace notre caisse d’un plan de restructuration. Après avoir, non sans mépris, répété à qui voulait l’entendre que le Crédit Mutuel Massif central ne représentait que 3 % des fonds propres d’Arkéa, il met tout en œuvre pour l’empêcher de rejoindre le CM11-CIC.
Pour le Crédit Mutuel Massif central, quitter Arkéa était la seule décision à prendre. L’incertitude et les menaces qui planent sur le projet d’indépendance porté par Jean-Pierre Denis nous l’imposaient. Nous ne l’avons pas fait par ambition personnelle, mais dans l’intérêt de nos sociétaires et de nos collaborateurs. Parce que nous sommes convaincus que les valeurs mutualistes et coopératives que nous portons sont des valeurs d’avenir, et que la marque et la solidité du Crédit Mutuel, sont, plus que jamais, les vecteurs d’un succès durable, au service de l’économie locale et de nos territoires.
Frédéric Ranchon est président du Crédit Mutuel Massif central.
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