La grève à la SNCF a peut-être permis d’apaiser momentanément les tensions au sein du Crédit Mutuel Arkéa, le groupe bancaire breton dont la direction souhaite engager la séparation de l’ensemble Crédit Mutuel. Un collectif de salariés, baptisé Indépendance pour Arkéa, avait organisé une manifestation à Paris ce jeudi 5 avril. Des critiques s’étaient élevées chez d’autres salariés et des syndicats contre une manifestation derrière laquelle semblait se trouver la direction du groupe : la DRH avait assuré que « le temps passé à la manifestation constitue du temps de travail effectif » et que les repas seraient « pris en charge » par l’entreprise.
Le week-end dernier, ce collectif a décidé d’annuler la manifestation, ce dont les salariés ont été informés par mail.
« Malgré les vents contraires, nous étions plus de 6.000 prévus entre Bastille et Bercy, prêts à exprimer haut et fort notre attachement à notre groupe et à notre liberté. Les autorités responsables de la sécurité et de la circulation nous ont contactés pour nous demander de reporter notre rassemblement, compte-tenu de la situation très critique des transports en Île-de-France et sur les rails la semaine prochaine et particulièrement jeudi. »
Et d’ajouter :
« Face à cette situation de force majeure, nous avons à contre-cœur pris la décision de décaler notre rassemblement à une date ultérieure, qui vous sera communiquée très prochainement », explique ce courriel interne daté de samedi. »
Polémique et « pressions »
Le collectif assure que ce n’est « que partie remise » et qu’une nouvelle date sera déterminée très bientôt. Ce projet de manifestation à Paris a suscité une certaine incompréhension : pourquoi Paris et Bercy en particulier ?
« On veut que l’État nous aide à organiser notre indépendance », a expliqué une porte-parole du collectif, Anne-Katell Quentric-Roth, au Télégramme. « Il n’y a pas de précédent. On est dans l’innovation financière. On ne peut pas le faire seul. Il faut une co-construction, avec de la bienveillance des pouvoirs publics. »
Jusqu’ici le gouvernement, le Trésor et la Banque de France (ACPR) ont exprimé leur opposition à une scission et à la création d’un nouveau groupe bancaire mutualiste indépendant, abandonnant l’ombrelle juridique et prudentielle du Crédit Mutuel, ainsi que la marque.
Si la pétition en ligne « Avis de tempête sur Arkéa » a recueilli près de 40.000 signatures et le soutien de nombreuses personnalités de l’écosystème du numérique et de l’économie bretonne, le projet de scission continue de diviser en interne. L’organisation de la manifestation a suscité la polémique, révélatrice de cette fracture au sein des employés pro et anti.
« Les pressions sont très fortes pour que les salariés participent [à la manifestation], parfois des menaces à peine déguisées, et les choses dérapent complètement », confiait le mois dernier un représentant syndical CFDT, l’organisation majoritaire.
Résultat des votes mi-avril, séparation effective en 2020
Le groupe Arkéa dément :
« Il n’y a eu aucune pression. Le rassemblement est organisé par un collectif de salariés, évidemment avec le soutien logistique de l’entreprise. Il n’est pas annulé mais reporté« , insiste une porte-parole de la direction, qui observe la large adhésion : près de 6.000 inscrits sur des effectifs de près de 10.000 salariés.
C’est dans ce climat guère serein que se déroule la consultation des caisses locales du Crédit Mutuel Arkéa sur le principe de l’indépendance, qui a commencé le 23 mars dernier. Les 30 caisses du Crédit Mutuel du Massif central ne participeront pas, sur décision du président de la fédération qui souhaite rallier le groupe CM11-CIC (le plus puissant groupe régional de l’ensemble mutualiste). Les 221 caisses de Bretagne et les 80 caisses du Sud-Ouest vont toutes voter d’ici à la mi-avril : les premiers résultats de ce vote « de pure orientation » seraient (sans surprise) en faveur de l’indépendance. Il s’agira ensuite d’organiser la séparation : un autre vote, sur un schéma juridique précis sera organisé à la rentrée de septembre.
Selon le dossier d’une centaine de pages adressé aux caisses locales, que nous avons pu consulter, Arkéa envisage « une mise en œuvre effective cible au 1er janvier 2020. »
LA TRIBUNE
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