Tout va bien au sein du Crédit Mutuel, du moins du côté des résultats, qui ont montré en 2017, malgré des taux d’intérêt toujours bas, « l’excellence opérationnelle d’un groupe solide et solidaire » s’est félicité ce mercredi le président de la Confédération nationale de l’ensemble mutualiste, Nicolas Théry. Solidaire par ses statuts, mais pas dans les faits, avec la volonté de l’un des six groupes régionaux, Crédit Mutuel Arkéa (fédérations de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif central), d’en sortir, en renonçant à la marque commune. Réuni ce mercredi, le conseil d’administration de la Confédération, l’organe central, a adopté une résolution à l’unanimité moins une voix (celle du représentant d’Arkéa) mettant la pression sur la direction générale des sécessionnistes.
« Le conseil d’administration de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM) exprime sa vive inquiétude vis-à-vis d’un aventurisme lourd de risques pour les sociétaires et salariés du Crédit Mutuel Arkéa et pour le mutualisme » selon le texte de la résolution communiqué aux journalistes lors d’une conférence de presse.
« L’avenir du groupe Crédit Mutuel ne saurait être dicté par des jeux politiques ou des campagnes de presse tendant à faire accroire qu’il serait impossible de vivre en autonomie et de se développer pleinement » au sein de la CNCM.
Bulletins secrets et sans droits de vote doubles
La direction générale de Crédit Mutuel Arkéa, dont le siège est près de Brest, va demander aux plus de 3.000 administrateurs de ses 331 caisses locales de se prononcer sur le principe de la création d’un groupe mutualiste indépendant entre le 23 mars et le 20 avril. La Confédération nationale exige que cette consultation « réponde aux exigences minimales d’un vote démocratique et éclairé », notamment avec des votes « à bulletins secrets, à l’abri de toute pression » et selon le principe « un homme, une voix » et « sans manipulations telles que le vote à main levée ou l’institution de droits de vote double ».
L’organe central du groupe mutualiste s’appuie sur la demande de la Direction du Trésor et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, adossée à la Banque de France) de précéder cette consultation « d’un éclairage complet et précis sur les conséquences juridiques, prudentielles, financières, opérationnelles et commerciales qu’une telle décision emporterait pour les caisses locales concernées. »
« On a compris que certains administrateurs auraient des droits de vote doubles, je ne sais pas si c’est vrai » a lancé Nicolas Théry, qui est aussi le patron du CM11-CIC, le plus puissant des six groupes régionaux de l’ensemble mutualiste.
Un homme, une voix
Dans le camp des Bretons, on s’insurge contre une volonté de semer le trouble : « la gouvernance d’Arkéa est fondée sur le principe un homme, une voix ! Il n’y a pas de droits de vote doubles. » On s’étonne aussi que la Confédération donne des leçons de gouvernance et ne parle du vote que chez les fédérations de Bretagne et du Sud-Ouest, omettant volontairement celle du Massif central, qui a manifesté son souhait de rejoindre CM11, mais exerce toujours son activité sous l’agrément d’Arkéa…
« Le CM Arkéa a pour habitude d’associer les caisses locales à l’ensemble des décisions du groupe sur la base d’un schéma de discussion totalement transparent et participatif, dans le respect des règles de gouvernance d’une véritable banque coopérative et mutualiste. C’est ce que le groupe Arkéa s’apprête à faire avec le vote des caisses locales qui débutera le 23 mars prochain », a réagi le groupe de Brest.
En revanche, pour ce qui est des bulletins secrets, Arkéa répond que chaque président de caisse décidera du mode de scrutin et que le vote à main levée est courant dans les conseils d’administration.
« Nous sommes face à une intention dépourvue de tout projet » a raillé Nicolas Théry. « Arkéa a toute sa place au sein de la Confédération. Une banque ne se crée pas par pétition ou par manifeste. Il y a les conditions de solvabilité, de fonds propres, d’agrément, etc. C’est aux dirigeants d’Arkéa de définir leur projet et la façon dont ils veulent se séparer du groupe. »
Le camp d’Arkéa indique que les administrateurs des caisses locales se prononceront en septembre sur un projet finalisé, après une procédure d’information consultation des partenaires sociaux. Le schéma envisagé n’est pas de devenir une société anonyme avec des actionnaires comme le laisse entendre le camp adverse, mais bien de « rester une banque coopérative et mutualiste ».
Balayant les accusations d’aventurisme, les Bretons font valoir que leur démarche est méthodique, en relations étroites avec les autorités de supervision, ACPR et Banque centrale européenne, en vue de trouver une solution juridique. Dans les conclusions de sa mission à la demande du Trésor et de l’ACPR, Christian Noyer, l’ancien gouverneur de la Banque de France, avait dessiné une solution ne nécessitant pas de modifier le Code monétaire et financier qui régit le fonctionnement du Crédit Mutuel, « l’agrément d’un seul établissement de crédit, avec transfert d’actifs des caisses locales. »
Le Conseil d’État viendra-t-il entraver la marche vers l’indépendance d’Arkéa ? La Confédération avait engagé une procédure de sanction contre me Pdg et le DG d’Arkéa, suspendue en référé début janvier. La décision au fond, attendue dans les prochains jours, et le rapporteur général aurait rejeté les demandes d’Arkéa sur la légalité des statuts de l’organe central, ouvrant la voie à la possibilité d’une sanction, pouvant aller jusqu’à une révocation des dirigeants. Vous avez dit solidaires ?
La Tribune
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