L’intelligence artificielle d’IBM, déployée depuis un an dans les caisses du Crédit Mutuel (CM11-CIC) a permis de générer des économies de plusieurs dizaines de millions d’euros, selon le président du groupe mutualiste Nicolas Théry. Le groupe bancaire cherche à moderniser son image face aux néobanques comme Orange Bank et son rival Arkéa.

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L’intelligence artificielle, effet de mode ou vraie révolution ? Au Crédit Mutuel CM11-CIC, le bilan tiré après un an d’expérience du système Watson d’IBM, dans le back-office des agences, est jugé très positif. Le Crédit Mutuel CM11 (onze fédérations, principalement de l’Est et du Sud de la France) a mis en place auprès de 20.000 conseillers de ses 5.000 caisses un analyseur de courrier électronique (40 millions de courriels de clients reçus par an dans la banque de réseau) et deux assistants virtuels pour répondre en temps réel à leurs questions sur des produits techniques (assurance, épargne). Nicolas Théry, le président du groupe Crédit Mutuel CM11 en a fait l’éloge lors de la présentation des résultats annuels du groupe bancaire mutualiste ce jeudi.

« Par rapport au débat très théorique sur l’intelligence artificielle qui remplacerait les emplois, chez nous, au Crédit Mutuel, l’intelligence cognitive est mise au service d’une relation client augmentée et permet de dégager du temps commercial et du temps d’écoute. C’est un outil extrêmement puissant de montée en compétence des salariés, grâce à des assistants (virtuels) efficaces. L’adhésion des utilisateurs est impressionnante, le taux de satisfaction est de l’ordre de 90% », a-t-il déclaré.

La mise en place d’IBM Watson devrait coûter 40 millions d’euros sur cinq ans, soit 8 millions d’euros par an, au groupe bancaire dont le bénéfice a reculé de 10% l’an dernier, notamment du fait de la surtaxe exceptionnelle (296 millions d’euros).

Interrogé sur la rentabilité de cet investissement, le président du CM11 s’est montré catégorique :

« Oui, sans aucun doute ! Nous avons évalué que cela libère 200.000 jours homme, soit une économie de 60 millions d’euros » a-t-il indiqué.

Nicolas Théry Crédit Mutuel CM11

[Nicolas Théry, lors de la présentation des résultats annuels 2017 du Crédit Mutuel CM11 ce jeudi à Paris. Crédits : DC]

Moderniser son image face à Orange Bank

Le système d’IBM augmente en fiabilité. Le taux de réponse spontanée correcte est passé de 35% au moment de l’expérimentation dans deux caisses pilotes en juillet 2016 à plus de 90% lorsqu’il a été déployé dans tout le réseau. Watson sera étendu à d’autres domaines cette année, le crédit à la consommation et la prévoyance, permettant aux conseillers d’avoir une réponse rapide au lieu de consulter la base documentaire interne. La banque a mis en place une « cognitive factory » qui réunit des salariés du Crédit Mutuel et des experts d’IBM afin d’améliorer continuellement les performances de ces solutions.

Orange Bank utilise également Watson d’IBM mais directement en interface avec le client : un chatbot appelé Djingo répond aux questions en temps réel. Le Crédit Mutuel fait valoir « la technologie est un choix social : elle n’est pas mise au service d’une relation virtuelle déshumanisée. »

Interrogé sur l’arrivée de ce nouveau concurrent, Nicolas Théry a observé qu’il serait « malvenu de la part d’une banque qui a lancé en 2005 la téléphone mobile de critiquer une grande entreprise comme Orange qui lance une offre bancaire ! C’est une stimulation utile.  »

Le groupe mutualiste nous précise qu’il a enregistré 105 départs de clients vers Orange Bank grâce au dispositif de mobilité de la loi Macron et dans l’autre sens récupéré 451 clients partis d’Orange Bank sur un an. Dans l’ensemble la loi Macron s’est traduite par un solde légèrement positif de 70.000 clients gagnés en net pour le groupe CM11-CIC avec 185.000 mobilités entrantes contre 115.000 sortantes, un chiffre modeste au regard de ses 10 millions de clients.

Le Crédit Mutuel veut moderniser son image et se présente comme « historiquement une banque technophile » et même « à la pointe de la technologie. » Ce que revendique toutes les banques de la place ! Le nouveau directeur général de CM11, Daniel Baal, parle même de la filiale informatique Euro Information comme de « notre Fintech » !

Nicolas Théry invite à regarder « au-delà du prisme bancaire » et à considérer le Crédit Mutuel comme « un groupe de distribution multiservices » (il est opérateur télécoms, vend de la télésurveillance, de l’immobilier, de la monétique) : il fait même un parallèle avec Amazon, qui s’est lancé dans le prêt.

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Réplique à Crédit Mutuel Arkéa ?

Depuis qu’il a succédé à Michel Lucas (76 ans), l’énarque de 52 ans, qui est par ailleurs président de la Confédération nationale, l’organe central du Crédit Mutuel, n’a eu de cesse de creuser ce sillon de la transformation numérique. Difficile de ne pas y voir également une réplique aux dirigeants du Crédit Mutuel Arkéa, avec lesquels il est en conflit, et qui ont reçu le soutien de nombreuses figures du monde de la French Tech, qui présente la banque mutualiste de l’Ouest comme « un acteur agile, innovant, très utile à l’écosystème digital français » et « le premier investisseur français du monde des Fintech. »

Déclinant toute question sur l’actuel différend avec Arkéa, qui souhaite quitter le groupe Crédit Mutuel au projet jugé trop « centralisateur », il a laissé le soin au directeur général d’envoyer un message sur le sujet:

« Nous sommes un des six groupes régionaux du Crédit Mutuel, un groupe autonome attaché à son autonomie. La Confédération nationale joue le rôle de garant de la solidarité, de la solidité et de la marque. Sinon nous ne serions que des banques régionales éparses », a déclaré Daniel Baal.

« Les OPA, et encore moins les OPA hostiles, ne font pas partie de notre culture. C’est même absurde dans le monde coopératif. »

Delphine Cuny

@DelphineCuny

La Tribune

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