7 mars 2017

Le président du Crédit Mutuel constate qu’Arkéa joue à nouveau le jeu et trouverait logique que le président de cette grosse fédération, Jean-Pierre Denis, revienne à la table de la maison commune.

Le Crédit Mutuel, cinquième groupe bancaire français, a réalisé une belle année 2016 avec un bénéfice historique de 3,25 milliards d’euros (+7,7%) et 49,5 milliards de fonds propres, ce qui lui donne un ratio de solvabilité de 15,7%, le plus élevé de toutes les grandes banques hexagonales. Son président Nicolas Théry affirme à l’Opinion sa volonté de respecter l’autonomie des groupes régionaux et constate que malgré, ses rodomontades, Crédit Mutuel Arkéa transmet désormais les informations demandées et participe aux groupes de travail de la confédération.

Nicolas Théry, 51 ans, inspecteur des finances, ancien conseiller de Dominique Strauss-Kahn à Bercy puis directeur de cabinet de Pascal Lamy à Bruxelles, est entré dans le groupe Crédit Mutuel en 2009 et en préside la confédération nationale depuis un an.

Le groupe Crédit Mutuel a affiché de bons résultats en 2016 dans un environnement difficile. Pouvez-vous encore progresser   ?
Nos performances viennent de notre mix qui associe tous les métiers de banque sur toutes les clientèles (entreprises, particuliers, professionnels, banque privée) en faisant de chacune des caisses locales un centre de service capable de distribuer tous les produits de la banque, de l’assurance et du service. Cela désensibilise un peu les réseaux par rapport à la marge financière   ; cela fidélise les clients et permet un développement solide. En outre, le service du client est très bien adapté à la nouvelle économie. Pour réussir, la clé c’est le nouveau mode de relation. La digitalisation c’est à la fois des process innovants, la puissance et la sécurité informatiques, domaines dans lesquels le Crédit Mutuel est particulièrement bien pourvu, et une relation renforcée entre les salariés et les clients.

Comment voyez-vous évoluer les taux d’intérêt   ?
On est engagé dans un cycle de hausse des taux aux Etats-Unis. La zone euro est de nouveau en inflation positive, proche de la cible de la BCE. Pour autant, on devrait avoir en Europe une stabilisation des taux, une sortie progressive des taux négatifs et des taux bas puis, je l’espère, une repentification de la courbe plus représentative de la réalité. La banque, c’est le commerce des promesses. Quand l’avenir a une valeur moindre que le présent, tous les métiers de la banque et de l’assurance sont perturbés.

«Il faut financer le logement social et les investissements publics dans les meilleures conditions. A 0,75 % cette mission n’est plus remplie. Il faut donc une nouvelle baisse des taux réglementés»

Cette situation a-t-elle un effet sur la collecte d’assurance-vie   ?
Les produits en euros sont une promesse de maintien du capital. On défend ce principe même si les rendements diminuent. Mais pour notre groupe, l’assurance est un triptyque entre dommages, vie et emprunteurs, qui représentent chacun environ un tiers de l’activité.
La pression liée aux taux bas a donc un impact plus limité pour le Crédit mutuel. C’est la diversification qui est la clé de notre solidité et de notre développement futur.

Qu’en est-il pour le Livret bleu   ?
Aujourd’hui, avec un taux de 0,75 % net d’impôt, l’épargne réglementée immédiatement liquide rapporte autant que les emprunts d’État à 10 ans. Un dispositif où un placement à 15 jours rapporte le même taux qu’un emprunt à long terme est un dispositif malsain  ! Il faut protéger l’épargne populaire donc il n’est pas question d’avoir un taux négatif. Mais il faut aussi financer le logement social et les investissements publics dans les meilleures conditions. A 0,75 % cette mission n’est plus remplie. Il faut donc une nouvelle baisse des taux réglementés.

Le président du Crédit mutuel Arkéa vient d’affirmer que vous n’êtes pas le mieux placé pour défendre les intérêts de sa banque…
Les résultats du Crédit Mutuel Arkéa, comme ceux des cinq autres caisses fédérales (Laval, Lille, Strasbourg, La Roche-sur-Yon, Fort-de-France), sont excellents. Cela montre que c’est en restant au Crédit Mutuel qu’on obtient les meilleurs résultats. Arkéa, comme les autres fédérations, obéit à la même alchimie   : l’autonomie des groupes régionaux, de leurs fédérations et de leurs caisses locales, appuyés sur la marque Crédit Mutuel, la solidité et la solidarité garanties par la confédération. Je suis sûr que les résultats d’Arkéa auraient été moins bons hors de la confédération. La preuve en est que depuis qu’il parle de séparation, l’agence Moody’s a mis sa note sous surveillance négative mais n’a pas touché à celles des autres entités du groupe. En outre, sur les marchés, les taux des emprunts du CM Arkéa sont aujourd’hui supérieurs à ceux du CM Nord-Europe à Lille, de taille assez équivalente.

Pour Jean-Pierre Denis, président d’Arkéa, « au Crédit mutuel rien n’est réglé ». Que lui répondez-vous   ?
Les valeurs que nous partageons sont les mêmes. La volonté de développement est la même. Le souci des nouvelles technologies est le même. Le Crédit Mutuel, ce sont 2 100 start-up que sont les caisses locales et 6 ETI que sont les groupes régionaux responsables du développement. Le rôle de la confédération n’est pas de dire à Arkéa ce qu’il doit faire. Le développement et la stratégie commerciale sont de la seule responsabilité des fédérations. La confédération limite son intervention à trois points   : la cohérence prudentielle, la marque Crédit Mutuel et son usage et la représentation des intérêts collectifs. Cela fonctionne parfaitement et, depuis la décision du Conseil d’État de décembre dernier, Arkéa nous transmet toutes les informations demandées. Ses salariés sont revenus dans les groupes de travail. Il ne manque aujourd’hui que la présence des trois présidents des fédérations membres d’Arkéa au conseil de la confédération. Je trouverai logique que Jean-Pierre Denis et ses pairs reviennent à la table de la maison commune.

Il vous reproche de promouvoir un modèle de banque centralisée…
Il n’y a pas de volonté de centralisation de ma part. Appeler à l’unité comme je le fais ce n’est pas appeler à l’uniformisation, c’est appeler à l’unité dans la diversité, respecter l’autonomie des groupes régionaux à condition de respecter les disciplines communes. Une banque centralisée, c’est l’inverse de ce que veut être le Crédit Mutuel. Tous les groupes régionaux à l’exception d’Arkéa, soit 1  800 caisses locales et 16 fédérations, considèrent qu’il est de leur intérêt de rester dans la confédération. Notre mix entre responsabilité locale et coordination nationale est le bon.

Craignez-vous la nouvelle décision du Conseil d’État sur la solidarité au sein du groupe attendue pour cet automne   ?
Le Conseil d’Etat a rendu le 13 décembre un arrêt de principe disant que la loi était claire et que l’argument de la concurrence était inopérant. Donc le débat est clos. Notre position sur la solidarité répond parfaitement aux exigences systémiques. C’est l’avis de 16 fédérations et de la BCE. Et Arkéa nous a déclaré en janvier qu’il respecterait cette décision sur la solidarité. Aujourd’hui, le Crédit Mutuel a retrouvé un fonctionnement totalement normal et la confédération joue son rôle, rien que son rôle.

http://www.lopinion.fr/edition/economie/nicolas-thery-credit-mutuel-a-retrouve-fonctionnement-totalement-121671

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