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Les banques mutualistes maîtrisent mieux la défection de clients que les commerciales, selon le cabinet de conseil Bain & Co. Ce dernier estime à 12 milliards d’euros les revenus à risque des banques traditionnelles, sous l’effet de l’environnement macro-économiques, de la montée en puissance des banques en ligne et de l’arrivée de nouveaux entrants de la Fintech. (Crédits : © Benoit Tessier / Reuters)

Le nombre de clients quittant leur banque a presque doublé en trois ans en France et se situe à un point d’inflexion, selon une étude du cabinet Bain. Les banques traditionnelles pourraient perdre un quart de leur revenu d’ici 2020 si elles ne réagissent pas, alors que la loi Macron va faciliter la mobilité bancaire et la percée de nouveaux entrants.

« L’image des banques est à son meilleur niveau depuis 10 ans, avec 68% de bonnes opinions » se félicitait en septembre la Fédération bancaire française. Pourtant, la dernière étude du cabinet de conseil en stratégie Bain & Co révèle une toute autre facette, moins rose, de la relation des Français avec leur banque. Historiquement faible en France, dans un marché concentré et mature, le taux d’attrition (la perte de clientèle), a « presque doublé en trois ans, à 4,3% » constate Bain, qui a interrogé près de 15.000 clients français.

Autre constat préoccupant, cette infidélité accrue des clients bancaires touche davantage les plus jeunes et les plus aisés, précisément les catégories courtisées par les établissements financiers.

 

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Les gagnantes : les banques en ligne en profitent

Le cabinet de conseil a modélisé les facteurs de risque pesant sur les revenus des banques traditionnelles : tendances structurelles comme l’environnement macro-économique (taux d’intérêt, pressions sur les commissions, croissance des banques en ligne, effet de la « digitalisation » et arrivée des nouveaux entrants de la Fintech. Bain estime à 12 milliards d’euros, soit 26% du produit net bancaire des banques françaises traditionnelles, cette part des revenus menacée d’ici à 2020, « si elles ne font rien : il faut revoir le modèle bancaire, jusqu’ici très axé sur les produits » fait valoir Ada di Marzo, associée du cabinet Bain, responsable du pôle de compétences services financiers.

Or un quart de cette érosion s’est déjà matérialisée en deux ans. Si cette estimation est sujette à discussion, elle donne une idée du défi que posent la rétention et l’acquisition de clients dans ce contexte.

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La part que pourraient capter les acteurs « non traditionnels » est évaluée à 5 milliards d’euros. Ce qui représente plus de 10 fois le PNB actuel estimé des banques en ligne en France (autour de 470 millions d’euros) !

D’ores et déjà, les banques en ligne (les Boursorama, ING, Fortuneo etc) sont celles qui profitent de ce « churn », tandis que les banques mutualistes et « affinitaires » (du type Crédit Agricole ou Crédit Mutuel, Banque Populaire) « maîtrisent cette attrition » et que les banques commerciales (comprendre les BNP, LCL et autres Société Générale essentiellement) sont « celles qui perdent le plus de clients par rapport à leur part de marché naturelle ». Ce sont ces dernières aussi qui présentent le moins bon taux de recommandation, déjà médiocre dans le secteur : dans les -10% à -25%, contre -5% pour la moyenne.

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Qualité de service, peut mieux faire

Pour éviter cette défection des clients, les banques doivent se concentrer sur la qualité de service, jugée insuffisante : c’est la raison numéro un invoquée par les partants (36%), devant le prix (33%), et la qualité du conseil et du niveau d’expertise. La première cause de changement des banques est le « relationnel avec le conseiller », à 28%, en forte hausse par rapport à l’an dernier, tandis que la disponibilité du conseiller est moins problématique, grâce à des horaires élargis et la possibilité d’échanger par mail, par chat, etc.

Problème : à l’ère du big data, l’étude constate que les établissements ne prennent pas les devants pour empêcher que les clients ne les quittent. Par manque de temps chez les conseillers, par défaut d’organisation pour détecter les bons signaux aussi. Ada di Marzo :

« Dans 72% des cas, les banques ne sont pas réactives quand un client manifeste son envie de partir, il n’y a pas de contre-offre. Or on peut prédire ces situations avec l’analyse des données. Il y a un enjeu de proactivité. Il faut faire entrer dans la culture de la banque l’importance de la qualité de service pour garder le client. »
Il existe pourtant des moments clés susceptibles de générer de la frustration : tout ce qui concerne les réclamations et fraudes, les crédits immobiliers (souscription et renégociation) et simplement l’ouverture de compte, l’entrée en relation.

« Ce sont des moments de vérité, sur lesquels les banques traditionnelles ne doivent pas se rater. Les banques en ligne ont, elles, des processus plus simples et une promesse client moins large, plus facile à tenir » souligne Ada di Marzo.

Loi Macron et Fintech

Il y a d’autant plus urgence à soigner cette relation que les clients qui changent de banques gardent de moins en moins leurs comptes dans leur ancienne banque principale (31% contre 39% l’an passé) : contrairement à une idée répandue, la « multi-bancarisation » tend à reculer et concerne 35% des clients, soit cinq points de moins qu’il y a deux ans. L’impact des éventuels départs risque donc d’être plus brutal. Ces « switchers » sont estimés autour de 1,5 million par an. C’est un réservoir de nouveaux clients à bichonner, au même titre que les « primo-bancarisés », les moins de 25 ans (1 à 1,2 million), qui choisissent à 80% la banque de leurs parents mais sont plus susceptibles de changer. Et de se laisser séduire par une banque pas chère et sans contrainte, simple d’accès, idéalement sur son smartphone.

Or l’entrée en vigueur, en février 2017, du dispositif de la loi Macron facilitant la mobilité bancaire, et l’arrivée de nouveaux entrants tels que la flopée de startups de la Fintech ou la future Orange Bank, pourraient accélérer cette volatilité des clients dans les mois à venir.

Il est encore temps de se bouger pour les banques traditionnelles, aux yeux de l’associée de Bain & Co :

« Ces nouveaux acteurs vont entrer progressivement. Ils restent petits mais ils imposent des standards de marché, en matière d’expérience client, de transparence. Combien auront un modèle viable ? Cela reste à voir. La banque reste un métier où la confiance reste l’élément fondamental ».

capture-decran-2016-11-28-a-11-49-08 La tribune

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