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Veronique Chocron / Journaliste au service FinanceSharon Wajsbrot / Journaliste Le 18/11

Alors que les institutions financières commencent à voir tout l’intérêt qu’elles pourront tirer de l’informatique cognitive, les organisations syndicales s’inquiètent et redoutent de voir un jour les robots remplacer les salariés.

L’arrivée de robots intelligents au coeur des banques et des compagnies d’assurances n’est plus un fantasme futuriste. La quatrième révolution industrielle n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais, depuis quelques mois, ces logiciels autoapprenants secondent déjà les conseillers clientèle des grandes institutions financières françaises.

Natixis Assurances s’en remet par exemple à la start-up Owi pour gérer le flux massif d’e-mails que les clients envoient aux conseillers. Le robot lit les e-mails, procède à une analyse sémantique, établit des degrés de priorité en fonction du vocabulaire utilisé par le client, puis formule des réponses, que le commercial peut compléter ou envoyer directement à l’assuré. Le robot a reçu trois mois de formation initiale en digérant plus de 10.000 e-mails qui lui ont appris le langage des clients. Ensuite, et c’est tout l’intérêt de l’intelligence artificielle, plus le logiciel répond aux clients, plus ses réactions se rapprochent de celles des conseillers. Le Crédit Mutuel-CIC commence quant à lui à utiliser Watson, le système d’intelligence artificielle d’IBM, pour jouer le rôle d’assistant virtuel épargne et assurance, qui est en mesure de répondre immédiatement aux questions récurrentes des clients.

La robotisation se rend également indispensable dans les départements risques et conformité des banques, où les logiciels intelligents se révèlent précieux pour ingérer des normes réglementaires en constante évolution. Et dans le même temps, l’automatisation des tâches administratives les plus simples continue de gagner du terrain dans les back-offices. Ainsi, la résiliation des contrats d’assurance auto et habitation, possible à tout moment depuis l’instauration de la loi Hamon, a été confiée chez Natixis Assurances à un robot qui, en une nuit, peut résilier 500 à 600 contrats, soit l’équivalent de 6 journées de travail d’un salarié.

Si les institutions financières voient tout l’intérêt qu’elles pourront tirer de l’informatique cognitive, plusieurs organisations syndicales s’inquiètent, redoutant de voir un jour les robots remplacer progressivement les salariés. Des études alarmistes circulent déjà. L’une d’elle, publiée au printemps dernier par Citigroup et portant sur la « Disruption numérique », soulignait que les agences et les effectifs associés constituent 65 % de la base de coût des activités de détail d’une grande banque, et qu’une « large partie de ces coûts peut être supprimée via l’automatisation ». « Nous pensons que les effectifs pourraient baisser de 30 % au cours des années 2015-2025 […] principalement en raison de l’automatisation de la banque de détail », concluait ce document, en notant que les marges de manoeuvre seraient plus importantes pour les banques françaises, où le nombre de salariés a reculé moins vite que dans d’autres pays.

Banquiers et assureurs se veulent pourtant rassurants. « Les robots vont infléchir notre besoin de recrutement, mais ils ne vont pas supprimer de l’emploi. Ils permettront de recentrer les effectifs sur les activités à valeur ajoutée », affirme ainsi un assureur. « Les conseillers ne sont pas des robots, martèle de son côté le dirigeant d’une grande banque mutualiste. Il y a un phénomène de « robot mode », mais tout ça est encore très loin et heureusement pour nous tous. C’est de la fiction de penser que les robots peuvent atteindre ce mixte d’empathie et de pertinence dont fait preuve le conseiller clientèle. »

Les robots ont pourtant déjà fait irruption dans le monde du conseil financier et de l’accueil, avec les « chatbots », ou même dans les agences de banques japonaises, sous la forme de robots humanoïdes qui font patienter les clients. Si le mouvement est en marche, en France, la transition prendra du temps. « Les technologies sont matures mais les groupes veulent les déployer progressivement, car il leur est difficile de les faire accepter à leurs collaborateurs », explique Eric Delannoy, président-fondateur du cabinet Tenzing. Or, pour tirer tous les bénéfices de ces systèmes intelligents, les banques doivent s’assurer de l’adhésion de leurs salariés, qui seront chargés d’apprendre aux robots à « penser comme un banquier ». Et à ce stade, l’humain reste donc le rouage essentiel de la relation client. D’autant que la robotisation n’est pas sans risque. Les banques doivent s’assurer que ces systèmes ne décevront pas leurs clients. « Un robot qui ne connaît pas la réponse à une question qui lui est posée peut faire beaucoup de dégâts en termes de satisfaction client », avertit un spécialiste du secteur.

Pour Thierry Mennesson, associé du cabinet Oliver Wyman, « le robot n’est pas principalement un outil de réduction de la masse salariale, mais une réponse à l’afflux de demandes électroniques des clients et à leur besoin d’une plus grande personnalisation. Un conseiller bancaire n’a pas la capacité d’analyser la situation de tous ses clients en permanence et de tous les appeler pour leur apporter le bon conseil. A court et moyen terme, l’intelligence artificielle va surtout être utilisée pour augmenter la pertinence et la fréquence des réponses aux besoins des clients ».

Ce que confirme un des concepteurs de ces robots : « Les banques ne combleront pas le « gap » entre leur idéal de la relation bancaire et ce qu’elles proposent aujourd’hui sans l’intelligence artificielle. » Avant de poursuivre : « Oui, il y aura des impacts sur l’emploi, le nier serait stupide. Mais je n’ai aucune idée de leur ampleur. »

Véronique Chocron
Journalistes au service Finance
Sharon Wajsbrot
Journalistes au service Finance

les Echos.

 

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