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Nicolas Thery, nouveau president du Credit Mutuel Centre Est Europe – Frederic MAIGROT/REA

Nicolas Théry succède à Michel Lucas à la présidence de la Confédération nationale du Crédit Mutuel. Il tend la main à Arkéa pour tenter de mettre fin au conflit interne au groupe mutualiste.

Vous prenez la tête de la Confédération alors que le groupe est divisé. Quel message adressez-vous au Crédit Mutuel Arkéa, qui veut son autonomie ?

J’ai écrit une lettre à tous les présidents de Fédérations du groupe pour leur dire ma conviction que la réforme de la Confédération du Crédit Mutuel, souhaitée par la BCE, respectait le principe de subsidiarité. La fonction de l’organe central est de défendre les intérêts collectifs du groupe, sa cohérence prudentielle et la marque «?Crédit Mutuel?». Tout le reste relève des groupes régionaux. J’ai reçu le soutien de 16 fédérations sur 19. Cette lettre est une main tendue à Arkéa qui représente environ 10% de nos résultats globaux. Je souhaite qu’ils reviennent participer à la vie du Crédit mutuel dont ils font partie depuis l’origine, qu’ils viennent au conseil d’administration de la Confédération, que l’on échange, que l’on décide ensemble. Nous avons un patrimoine commun : cette confédération qui possède la marque « Crédit Mutuel », notre culture de proximité et de décision au plus près du terrain. La réforme est un travail collectif, elle représente une bonne opportunité pour retrouver un mode de fonctionnement normal. A Arkéa de saisir cette opportunité.

La réforme fixait initialement des seuils d’investissement au-delà desquels les Fédérations devaient demander une autorisation de la Confédération …

A ce stade, les statuts ne prévoient pas de seuil d’investissement. Ceci étant, c’est notre intérêt commun de respecter la cohérence prudentielle et la solidarité au sein du groupe Crédit Mutuel, et cela vaut pour toutes les fédérations du groupe, y compris CM11 [les onze fédérations dites «?de l’Est?», NDLR]. Ce qui m’intéresse, c’est la cohérence et le développement du groupe : on a construit quelque chose de superbe, grâce à la contribution de tous les groupes régionaux : en 2014, la BCE a considéré que nous étions parmi les banques les plus solides de la zone euro. Le Crédit Mutuel Nord Europe a racheté récemment deux réseaux en Belgique, cela n’a pas soulevé de question.
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Une décision de justice vous interdit de transformer la Confédération, qui a un statut associatif, en établissement de crédit. Quelles sont les conséquences ?

Nous voulons être irréprochables à l’égard de la banque centrale européenne qui est notre superviseur. Nous avons par exemple réduit la taille du conseil d’administration de la Confédération de 34 à 18 membres, et nous allons désigner deux administrateurs indépendants. Dans le cadre de la réforme, des questions vont par ailleurs être résolues : Arkéa était hostile à ce qu’il y ait une direction générale commune à la Confédération et à CM11. Ce ne sera plus le cas. Pascal Durand, qui dirigeait la Fédération de Laval, devient le directeur général de la Confédération et n’aura pas d’autre fonction dans le groupe. Nous avons fait appel de la décision du tribunal qui a bloqué la transformation de l’organe central en société coopérative, pour ménager l’avenir. En attendant, la BCE peut superviser une association, il existe d’autres cas en Europe. Mais il est vrai que, pour le superviseur, il est préférable de contrôler des établissements de crédit, notamment s’il prononce des sanctions.

Quelles sont vos priorités pour le Crédit Mutuel ?

L’enjeu, c’est le développement, en tenant compte des trois défis auxquels nous faisons face. Un défi réglementaire d’abord : les nouvelles obligations imposées aux banques réduisent leur rentabilité et poussent certaines à supprimer des dizaines de milliers d’emplois. Un défi des comportements ensuite, qui évoluent avec l’explosion du digital. Notre métier, c’est d’offrir tous les services immatériels et pluriannuels et de prendre en charge la protection de nos clients : nous devons être bien plus qu’une banque. Aujourd’hui, plus de la moitié de nos résultats résulte de l’assurance. Dans la téléphonie, nous comptons 1,5 million d’abonnés et nous représentons un tiers du marché français de la protection des domiciles contre le vol. Enfin nous devons relever un défi financier, dans un environnement de taux d’intérêt négatifs et de courbe des taux plate, qui bousculent l’industrie financière puisque nous devons rentabiliser nos activités sans gains issus de la transformation financière.

Comment sortira-t-on de la spirale des taux négatifs ?

Les banques centrales ont fait ce qu’il fallait après la crise financière, en inondant le marché de liquidités. Comment, désormais, sortir de manière ordonnée de cette situation ? Tout dépend des perspectives économiques : les pays émergents sont-ils en fin de cycle économique et le monde entre-t-il en période de croissance lente ? C’est le débat sur la stagnation séculaire. De deux choses l’une : soit la croissance mondiale repart à un rythme supérieur à 3 %, et les banques centrales doivent vite sortir de la politique engagée dans les années 2000. Soit la croissance mondiale reste en deçà de 3 %, et leur politique doit rester plus accommodante.

Quelles sont les conséquences pour les banques ?

Le banquier qui s’enrichit en dormant, c’est terminé. Le banquier qui fait croire que ses services sont gratuits, c’est terminé aussi. Nous devons fidéliser le client avec un service équilibré qui offre le meilleur rapport qualité/prix.

Mais vous êtes concurrencés par des banques en ligne totalement gratuites…

La banque en ligne fait partie du quotidien des banques à réseaux : nous avons 1 milliard de connexions par an sur nos serveurs Crédit Mutuel et CIC. Mais les banques à distance gratuites sont faites pour des périodes de taux d’intérêt positifs. D’ailleurs, lesquelles sont-elles réellement gratuites ? Et comment font-elles, dans le contexte actuel, pour être rentables ?

Les banques françaises ont toutes entamé des programmes de réduction de coûts, qu’en est-il au Crédit Mutuel ?

Nous devons être rigoureux sur les frais généraux, mais nous avons un pacte social fort au sein du groupe : nous ne faisons pas de plan social dans nos activités de bancassurance. Nous demandons aux salariés beaucoup d’engagement et d’adaptation, mais en contrepartie nous les formons en investissant plus de 5% de la masse salariale et défendons l’emploi. Le mutualisme, c’est le choix de la solidité et du long terme, nous n’avons pas la pression des marchés.

Est-ce vraiment différenciant pour le client ?

Le mutualisme offre une réponse adaptée pour résoudre le débat propriétaire-client. C’est aussi un mode d’organisation qui assure l’ancrage local et se soucie du long terme, deux caractéristiques qui répondent à des demandes très actuelles et présentent d’immenses avantages.

Allez-vous réduire votre réseau d’agences ?

Nous n’avons pas d’objectif de fermeture d’agences. Le réseau vit, évolue. Ceci étant, je constate que les villes de moins de 10.000 habitants sont touchés de plein fouet par la disparition des agences et des commerces, ce qui pose des problèmes d’animation économique. Nous sommes présents dans tout ce maillage et il ne faut pas que nous le perdions.

Les géants de la tech représentent-ils une menace pour les banques ?

Ils représentent une menace en particulier sur les moyens de paiement, leur activité monétique est à observer de près. Mais la sécurité, pour lesquelles les banques ont une compétence particulière, est une valeur qui va croître à l’avenir. J’espère en tout cas que tous les acteurs seront soumis aux mêmes réglementations et contraintes.

Le Crédit Mutuel a-t-il vocation à être actionnaire du groupe de presse Ebra (L’Est Républicain, Les Dernières nouvelles d’Alsace etc), dirigé par Michel Lucas ?

Nous sommes actionnaires, à travers la BFCM (Banque Fédérative du Crédit Mutuel), de ce pôle presse, qui restera dirigé par Michel Lucas. Un pôle qui a vocation à être rentable…