Le groupe bancaire breton a dû récemment injecter 540 millions d’euros dans Suravenir, dans un contexte de taux négatif très défavorable aux assureurs-vie. Cette mesure risque de perturber les velléités d’indépendance d’Arkéa qui souhaite quitter le Crédit Mutuel.

Par Laurent ThéveninÉdouard Lederer – Publié le 9 oct. 2019 – Les Échos

C’est une opération à plus d’un demi-milliard d’euros qui risque de faire désordre.  Crédit Mutuel Arkéa a été contraint de débourser 540 millions d’euros pour recapitaliser sa filiale d’assurance-vie et de prévoyance Suravenir, ont appris « Les Echos ». Or, pour le groupe bancaire breton, afficher une solidité financière sans faille est un impératif s’il veut mener son projet phare : quitter le groupe Crédit Mutuel pour voler de ses propres ailes. L’opération, qui représente l’équivalent de plus d’une année de résultat net, pèse lourd à son échelle. En 2018, Arkéa avait dégagé des profits de 437 millions d’euros.

Cette augmentation de capital massive intervient dans  un environnement de taux d’intérêts négatifs qui met à mal les ratios de solvabilité des assureurs-vie. « Dans ce contexte, Suravenir renforce ses fonds propres en faisant appel à sa maison mère », explique aux « Echos » Arkéa sans commenter le montant de l’opération « Cette opération est sans impact sur la rentabilité de Suravenir et pour ses clients. L’évolution défavorable des ratios prudentiels ne remet pas en cause la robustesse et la santé économique de Suravenir qui dégage une rentabilité élevée », affirme le groupe bancaire. L’opération aurait été décidée à la fin de l’été.

Un rouage essentiel

Cette injection d’argent frais – qui peut être vue comme une simple mesure de précaution – devait éviter à Suravenir une dégradation trop forte de son ratio de solvabilité au 30 septembre. En vertu des  règles prudentielles européennes de Solvabilité 2 , les assureurs doivent maintenir un niveau de fonds propres permettant de couvrir leurs engagements. Or, la chute des taux dégrade mécaniquement certains calculs. A fin 2018, Suravenir présentait encore une marge de solvabilité sur fonds propres de 170 %, largement au-dessus du minimum requis de 100 %.

Avec 4,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018 pour un encours de près de 41 milliards d’euros gérés en assurance-vie, Suravenir est un rouage essentiel dans le dispositif d’Arkéa. En 2018, cette compagnie a dégagé un résultat net record de 167 millions d’euros, en hausse de 30 % d’une année sur l’autre.

Ratio de solvabilité élevé

Plus grave, cette recapitalisation pourrait ne pas suffire compte tenu du fait que les taux négatifs devraient durer, ce qui plonge tout le secteur financier dans le brouillard. Le régulateur ne relâchera sa vigilance, chez Suravenir comme pour le reste du secteur de l’assurance.

Les 540 millions déboursés par Arkéa vont en outre dégrader son ratio de solvabilité, qui était à fin juin – donc avant l’opération – l’un des plus élevés du secteur à 17,5 %. Un ratio soutenu en partie par… Suravenir. En 2017, c’est l’assureur qui avait été sollicité par Arkéa, à qui il avait versé plus de 550 millions d’euros de dividendes, dix fois plus que l’année précédente. Une façon pour Arkéa d’afficher une santé éclatante afin de défendre son projet de divorce. Les taux faibles – et l’opération de cet été – fragilisent donc l’équation politique et financière pour Arkéa.

Laurent Thévenin

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