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Les accidents de la route, première cause de la mortalité en entreprise

Plus d’un accident du travail mortel sur deux est un accident de la route, mais seulement 18% des chefs d’entreprise en ont conscience, selon une étude de l’assureur MMA.

Le risque routier reste sous-estimé en entreprise. C’est ce qui ressort de l’étude MMA sur la prévention de ce risque publiée ce lundi, dans le cadre des journées de la sécurité routière au travail (du 13 au 17 mai). Selon ce sondage mené par l’Ifop, dans le cadre de l’étude*, seuls 18% des dirigeants d’entreprise ont conscience que la première cause d’accident mortel dans le cadre du travail est l’accident de la route. Un chiffre très bas, et en baisse par rapport à l’année précédente, où 25% des chefs d’entreprise en avaient conscience.

« 500 personnes ont perdu la vie dans le cadre du travail l’an dernier, rappelait ce dimanche sur France Info Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière. Soit en exécutant une mission professionnelle, soit dans un trajet entre leur domicile et le travail. Il y a ici un enjeu tout à fait considérable, auquel s’ajoute le nombre de jours de travail perdus par les entreprises en raison d’un accident corporel de la circulation. On est entre cinq et six millions de journées de travail en fonction de l’origine des statistiques. C’est considérable et c’est un enjeu majeur pour les entreprises ».

Or, seulement 16% des chefs d’entreprise ont mis en place des campagnes de prévention en interne. « Les meilleurs élèves se trouvent dans le secteur du BTP, sans doute parce que leurs salariés doivent se déplacer », relève Cécile Lechère, en charge de la prévention des risques routiers au sein de MMA, dans Le Figaro.

La fatigue, une des premières causes d’accident

La fatigue est ainsi l’une des premières causes d’accidents de la route dans le cadre professionnel. La moitié des politiques de prévention menées dans les entreprises portent donc sur la diminution des trajets pour limiter ce risque. « La fatigue joue beaucoup, quand il y a des délais de livraison et qu’on doit conduire longtemps la nuit. Donc vous avez des entreprises qui ont mis en place, par exemple, un droit au roupillon. Un chauffeur a le droit, même s’il a des délais à respecter, de s’arrêter pour dormir 15 à 20 minutes et se reposer », explique Emmanuel Barbe.

Seulement 62% des dirigeants savent par ailleurs qu’ils peuvent être considérés comme responsables, en cas d’accident mortel sur un trajet professionnel. Ils ne sont que 42% à savoir qu’ils peuvent aussi être considérés responsables en cas d’accident sur un trajet domicile-travail. Ils sont en revanche bien plus au courant de l’obligation de désigner le salarié qui a commis une infraction avec un véhicule de l’entreprise.

*503 dirigeants interrogés du 1er au 8 avril 2019Pauline Ducamp

https://auto.bfmtv.com/actualite/les-accidents-de-la-route-premiere-cause-de-la-mortalite-en-entreprise-1690672.html

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Bretagne. Le chaînon financier manquant pour les reprises de PME. Didier Gourin

Bretagne Jeunes entreprises devient Breizh Invest PME. Derrière le changement de nom, c’est une nouvelle feuille de route pour cet outil au service de l’économie régionale qui associe les secteurs public et privé. Après l’aide au démarrage des start-up, il entend maintenant se consacrer à la reprise des PME et à leur développement.

À chaque époque, ses besoins

Il y a une quinzaine d’années, Bretagne Jeunes entreprises avait vu le jour pour répondre aux besoins de financement des jeunes pousses de l’économie, les start-up. Il s’agissait de leur accorder ce que les spécialistes appellent des fonds d’amorçage. Dans la palette des aides à l’économie, il y avait « un trou dans la raquette »,rappelle Martin Meyrier, vice-président de la Région, chargé de l’économie. Mais depuis, les choses ont bien bougé et de nouveaux outils de financement pour les jeunes pousses innovantes de l’économie ont vu le jour. Bretagne Jeunes entreprises, le sentiment du devoir accompli, a donc décidé de se consacrer à une autre priorité, un autre « trou dans la raquette », l’aide à la reprise de petites et moyennes entreprises, ou à leur développement. Elles sont nombreuses en Bretagne et forment un tissu économique plutôt homogène. Des PME, il y en a un peu partout, en particulier dans l’agroalimentaire. À changement de mission, changement de nom. Bretagne Jeunes entreprises devient donc Breizh Invest PME.

Un attelage public privé

Breizh Invest PME est une structure originale. D’un côté, la sphère publique (la Région à hauteur de 26,8% et la Banque publique d’investissement pour 23,2 %) et de l’autre, le monde bancaire avec la Caisse d’Epargne, le Crédit Mutuel Arkéa, la Banque populaire Grand-Ouest et le Crédit Agricole, avec chacun 12,5 %. Avec une même mission : apporter ce qui peut manquer comme capital lors d’une reprise d’entreprise. Ici, on ne parle donc pas de millions mais de quelques centaines de milliers d’euros. Ainsi, 200 000 € ou 300 000 €, c’est ce qui peut manquer au nouveau chef d’entreprise pour finaliser son tour de table. À ce stade, Breizh Invest PME peut entrer en jeu. La structure dispose ainsi d’un capital de 7,4 millions et elle a déjà soutenu une bonne vingtaine de PME bretonnes. « Il y a beaucoup d’opérations de reprises qui n’aboutissent pas car leur financement n’est pas complet », résume Mathieu Bourdais, le directeur exécutif de Breizh Invest PME qui apportera une sorte de chaînon financier manquant.

Pas une rentabilité à n’importe quel prix

Des banques qui mettent de l’argent sur la table, ce n’est pas par philanthropie. Pour autant, à l’égard des PME bretonnes, Breizh Invest PME n’entend surtout pas, indique Marc Brière, président de Breizh Invest PME, et par ailleurs président d’Arkéa Capital, vouloir « dégager des rendements dignes des fonds de pension. » « Nous ne sommes pas là pour mettre la pression mais pour offrir à des entreprises un accompagnement durable. Nous sommes un investisseur bienveillant et patient », poursuit-il. Quitte à s’effacer au fil du temps pour donner encore plus de présence financière au chef d’entreprise. Car l’enjeu, c’est aussi de maintenir tous ces centres de décisions en Bretagne.

https://www.ouest-france.fr/bretagne/bretagne-le-chainon-financier-manquant-pour-les-reprises-de-pme-6339998

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Bien-être au travail, tout dépend des managers DELPHINE IWEINS

Point d’efficacité collective (et donc de profit) sans salariés épanouis. – Shutterstock

Tendance Légalement tenues d’assurer la bonne santé de leurs collaborateurs, les entreprises cherchent aussi parfois à garantir leur bien-être. Quitte à oublier les fondamentaux : un espace de travail adapté et des relations de confiance.

La qualité de vie au travail est une question sérieuse que  l’embauche d’un « chief happiness officer » ne saurait évacuer de l’agenda des directions générales. Or ces dernières semblent avoir allègrement glissé du prisme de la santé et de la sécurité au travail à celui du bien-être. « La santé est une obligation légale et le bien-être est à l’origine un concept scientifique qui parle de la santé mentale », rappelle Pierre-Eric Sutter, psychologue du travail et auteur de l’ouvrage « Promouvoir le bien-être au travail. » Explications.

Le bien-être, un fourre-tout

Quand la langue de Shakespeare distingue la santé mentale « wellness » du bien-être ressenti « well-being », le français fait du bien-être au travail une expression mot fourre-tout, qui englobe aussi le bonheur au travail. Plus précis, le Bureau international du travail inclut dans sa définition la santé physique et mentale, le sentiment de satisfaction et l’épanouissement au travail tout comme les nécessités de répondre aux enjeux de société que sont l’allongement de la vie professionnelle, la féminisation et la lutte contre l’exclusion du marché de l’emploi.

Des approches déclaratives

En France, le coût du mal-être au travail est estimé à 13.440 euros par salarié dans le secteur privé, d’après la dernière étude du cabinet Mozart Consulting. « Le bien-être au travail ne fait l’objet ni d’une obligation légale contrairement à la santé ni de négociation comme la qualité de vie au travail. Mais il nécessite d’établir un état des lieux des conditions de travail pour ensuite mettre en oeuvre des axes d’amélioration », explique Valérie Langevin, experte d’assistance conseil sur les risques psychosociaux à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Et il y a urgence : 75 % des dirigeants interrogés par Viavoice Harmonie Mutuelle en 2018 jugent la prévention des risques professionnels et des troubles psychosociaux comme une priorité, au même titre que l’amélioration des espaces et des conditions matérielles de travail.

Pour prendre le pouls de la situation, l’INRS propose un questionnaire dont les résultats sont ensuite discutés en groupes de travail. D’autres approches, toutes sur une base déclarative, s’appuient sur des baromètres ou des applications numériques.

La question du lieu de travail

66 % des actifs consultés par Actineo pour l’édition de son baromètre du 2 avril pensent que  leur lieu de travail est mal adapté à leurs besoins . En témoignent les 43 % de personnes qui aimeraient disposer « d’un siège ergonomique réglable en fonction de leur anatomie et de leur façon de travailler ». Quand il est demandé aux salariés travaillant dans un bureau ce qu’il leur faudrait « en priorité, pour améliorer leur bien-être et leur efficacité au travail », ils souhaitent avant tout aménager à leur guise leur temps (32 %) et leur espace de travail (25 %). Le  télétravail est, en cela, une solution de plus en plus développée, particulièrement depuis sa facilitation par les ordonnances réformant le Code du travail du 23 septembre 2017. Et si le bureau fermé reste la norme au niveau national, le flex office – ou la possibilité de choisir son espace de travail en arrivant le matin – commence doucement à s’installer comme tendance. BETC, BNP Paribas Personal Finance, BETC, Bouygues, Crédit Agricole, Danone, Engie, L’Oréal, PSA, Sanofi, SFR ont ainsi fait ce choix d’organisation.

Un terrain d’action délicat

Mais il n’y a pas que l’aménagement de l’espace, les services font aussi leur entrée dans les organisations. Cette tendance est le symptôme d’une révolution plus profonde de la gouvernance et du management des entreprises. Ne sont donc pas rares les sociétés de toute taille proposant des cours de yoga, des séances d’ostéopathie, des  espaces de repos , des baby-foot, etc. Et quand Léa Nature, premier fabricant français de produits bio, met des fruits de saison à disposition de ses salariés, aux Etats-Unis, Google va plus loin en fournissant à ses restaurants d’entreprise des assiettes de 20 centimètres de diamètre (au lieu de 30) afin d’inciter ses salariés à réduire leurs portions alimentaires pour une meilleure santé. N’est-ce pas là aller trop loin ? Non, répondent en choeur certaines entreprises arguant qu’elles agissent à la demande des collaborateurs.

La formation des managers

En définitive, passé la phase d’« amélioration des conditions de travail », le fondement du bien-être tient à la qualité du management. «  Les employés d’abord, les clients ensuite », claironne depuis des années le conférencier Vineet Nayar. Point d’efficacité collective (et donc de profit) sans salariés épanouis ! « Pour fidéliser ses collaborateurs, l’entreprise doit amplifier les temps de ressourcement et développer un mode fraternel entre eux », considère Jean-Noël Gaume, auteur du livre « L’Entreprise inspirante ». Et rester cohérente, car à quoi bon « programmer des cours de yoga quand des managers se comportent mal », relève Philippe Rodet, ex-médecin urgentiste reconverti dans le management. « Des interventions censées favoriser le bien-être trop décalées par rapport aux circonstances et à l’organisation du travail » produisent « des effets négatifs », prévient Olivier Tirmarche, directeur associé du cabinet Stimulus Conseil qui invite à  exprimer feed-back et reconnaissance . 

Pour sensibiliser les managers, le cabinet de conseil en ressources humaines LHH Altedia commercialise un jeu de l’oie afin de leur faire comprendre les signaux faibles émis par un collaborateur en situation difficile. De son côté, sous l’impulsion de son directeur général Laurent Bouschon, l’ETI Mutuaide a décidé de muscler son programme de formation en y introduisant des modules de management de confiance. « Si on ne recherche pas de managers de qualité, les actions de bien-être sont des coups d’épée dans l’eau », estime Emmanuelle Nave, la directrice des ressources humaines de cette filiale de Groupama. L’accompagnement managérial, c’est toute l’année et non une seule fois par an, à l’occasion de son entretien annuel. » Le bien-être au travail, clef essentielle d’efficacité.

Delphine Iweins (@DelphineIweins), avec Antoine Favier (@AntoineFavier2)

https://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/ressources-humaines/bien-etre-au-travail/0600971847917-bien-etre-au-travail-tout-depend-des-managers-328221.php#xtor=CS1-35

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Sylvaine Perragin : «L’obligation d’être heureux au travail fera bientôt partie des objectifs à atteindre» Par Erwan Cario

Après vingt ans passés auprès de salariés en souffrance, la psychologue dénonce, dans «le Salaire de la peine», le business bien huilé du bien-être des salariés, tourné avant tout vers la performance.

Les salariés des grandes entreprises, et parfois des moins grandes, connaissent bien cette impression étrange lorsqu’au détour d’un questionnaire ou d’une formation la structure qui les emploie affiche une préoccupation pour leur bien-être. Il y a comme un décalage, comme une imposture sous-jacente difficile à identifier. Les directions des ressources humaines proposent parfois du coaching pour «gérer son stress», mettent en place une «hotline psy», organisent des «expérimentations managériales» qui vont permettre de «mettre l’humain au cœur du process» pour que les salariés, pardon, les «collaborateurs», soient épanouis. Mais aucune des solutions proposées pour régler les problèmes identifiés n’ira jusqu’à remettre en cause de façon opérationnelle l’organisation du travail qui les a fait naître.

Sylvaine Perragin travaille depuis vingt ans en tant que psychologue du travail indépendante. Dans son livre le Salaire de la peine (Le Seuil) , elle décrit un système mortifère qui a fait de la souffrance au travail un business des plus rentables. Et des plus inutiles. Car depuis la prise de conscience de l’existence de ce phénomène, notamment avec la parution en 1998 de Souffrance en Francede Christophe Dejours, et surtout après les dramatiques vagues de suicides chez Renault et France Télécom entre 2006 et 2009, des moyens ont été alloués pour lutter contre le mal-être des salariés. Pour quels résultats ? En 2014, une étude du cabinet Technologia estimait à 3,2 millions le nombre de Français en danger d’épuisement. Une autre étude de l’Institut de veille sanitaire (INVS) évaluait, en 2015, à 480 000 le nombre de salariés en souffrance psychique au travail, dont 30 000 en situation de burn-out. C’est que, selon Sylvaine Perragin, les cabinets de ressources humaines «ont fait de la souffrance au travail un véritable marché avec un produit à vendre, en l’occurrence le « bonheur au travail » pour une performance accrue».

Le Salaire de la peine est la mise en lumière implacable d’un système qui veut tout «solutionner» sans jamais rien résoudre. C’est une démonstration, nourrie d’exemples révoltants, de l’existence d’un consensus industriel autour d’une organisation du travail toxique pour les salariés. Au cœur de celle-ci, on trouve une volonté permanente d’optimiser les ressources (humaines) en fonction d’objectifs forcément chiffrés. Et quand la machine déraille, l’organisation profonde n’est jamais remise en cause. «Dictature de la bienveillance, exécration du conflit, volonté de réconcilier l’inconciliable, solutionnisme primaire, perte de lucidité, le business de la souffrance au travail véhicule l’idée d’un miracle fait de petites solutions, de techniques pour travailler sur soi, écrit Sylvaine Perragin. Comme s’il suffisait d’acquérir un peu de méthode. Vous êtes en colère ? Mettez-vous sur pause, changez votre rapport à l’autre, forcez-vous à dire au moins un compliment par semaine à chacun de vos collaborateurs, mangez cinq fruits et légumes et adonnez-vous à trente-cinq minutes de yoga.» Du yoga, on en aurait peut-être eu besoin pour se remettre de la lecture du Salaire de la peine, mais on a préféré s’entretenir avec son auteure.

Pourquoi avoir écrit ce livre aujourd’hui, après vingt ans d’activité professionnelle dans ce secteur ?

C’est un effet de saturation. Je me suis spécialisée très tôt dans les problématiques de souffrance au travail. Ça s’est fait naturellement, parce que j’ai eu pas mal de salariés qui sont venus dans ma consultation de psychothérapie pour me parler de leur souffrance, au moment où on n’en parlait pas beaucoup. J’ai vite compris que les solutions ne pouvaient pas être qu’individuelles. Ce n’est pas juste de leur faute si les gens souffrent, et il ne faut pas se contenter de leur conseiller la méditation ou le yoga. Il y a une responsabilité de l’organisation du travail. J’ai commencé à aller voir les entreprises en proposant une réflexion sur leur propre organisation, du stress et des dépressions qu’elle pouvait engendrer. A l’époque, dans les années 90, personne ne prenait ça au sérieux. Mais il y a eu un moment de bascule, quand c’est devenu un marché, après les suicides chez Renault et France Télécom. De gros cabinets de ressources humaines s’en sont emparés. Les mêmes qui, avant, vendaient de la performance par le stress. Petit à petit, ils ont commencé à vendre du «bien-être» au travail, mais toujours avec le même objectif : la performance. Mais ils ne proposent pas de bonnes solutions, puisque leur objectif n’est pas de soulager cette souffrance. Il y a quelque chose de profondément toxique.

Vous dites qu’il y a aujourd’hui des «leaders du bien-être» et des «spécialistes de l’humain au travail».Comment travaillent-ils ?

Ils font ce qu’ils appellent de la «communication». Mais la communication, normalement, c’est le fait de transmettre une information. Eux, quand ils font des plans de communication, ils établissent d’abord un objectif : influencer l’opinion des salariés sur leurs conditions de travail et sur leur entreprise. Puis, en fonction de cet objectif, ils établissent une stratégie. Ça s’appelle de la «manipulation». Or les salariés ne sont pas plus idiots que la moyenne, ils le sentent. Et ils se referment. Ils peuvent y croire un temps, parce qu’ils aiment ce qu’ils font, mais ça ne dure jamais. Non seulement ces spécialistes calent leur communication sur leurs objectifs – valoriser l’entreprise et sa réussite dans tous les domaines -, mais ils veulent aussi supprimer toute négativité. Et pour ça, ils ont créé une novlangue insupportable qui instaure un décalage entre ce que ressentent les gens et ce qu’on leur renvoie. L’exemple le plus flagrant et le plus connu reste quand même le «plan de licenciements» devenu un «plan de sauvegarde de l’emploi». Ce qui est un déni de réalité et un déni de souffrance. Les gens qui sont licenciés ne sont pas dans la sauvegarde de l’emploi. C’est grave, parce qu’on perd le langage commun. Ne parler que de «sauvegarde de l’emploi», ça veut dire qu’on refuse de prendre en compte la souffrance parce que cette souffrance-là nous renvoie une mauvaise image. Et tout est décliné de cette manière-là. Le désaccord dans l’entreprise, ce n’est pas «corporate». Alors que l’opposition, c’est la vie, c’est la démocratie, c’est ce qui devrait exister dans chaque entreprise. Ça permet d’ajuster les décisions, de les enrichir… Mais non, on considère que toute opposition est nuisible !

Comme si le fait de ne pas être d’accord relevait de l’acte de sabotage…

Oui, c’est considéré comme un frein, alors que c’est l’essence même du travail : discuter ensemble des critères pour arriver de la meilleure façon à un objectif. On discute de la qualité de ce qu’on fait. Mais ça, dans beaucoup d’entreprise, c’est terminé ! Et comme on ne peut plus discuter du contenu, on ne peut plus discuter que d’une chose : le résultat. Alors que le résultat, ce n’est qu’une petite partie du travail. Le point d’arrivée est devenu l’alpha et l’oméga de toute la vie en entreprise. C’est un point d’arrivée chiffré et il est individualisé, donc il ne prend pas en compte les interactions. Alors que tout est interactif dans une entreprise, les gens sont interdépendants. Analyser le résultat du travail d’une personne, c’est le séparer de tous ses collègues. Ça n’a pas de sens, et ça sépare les gens. Ça génère des comportements déloyaux.

Vous pointez le fait qu’on réduit le monde du travail à des histoires d’individus…

Si on se met ensemble dans une entreprise, c’est justement parce qu’on ne peut pas faire les choses seuls ! Plus on individualise le travail, plus on se trompe. Comme l’explique très bien Christophe Dejours, toutes les évaluations individuelles du travail sont des entreprises de destruction du collectif. Et il y a des cabinets de ressources humaines qui vendent pour les cadres des formations pour mener des entretiens individuels, et qui vendent ensuite des séminaires de cohésion d’équipe. C’est aberrant ! La responsabilité d’un cabinet de RH, c’est de dire que ce sont justement les entretiens individuels de performance qui détruisent la cohésion et le collectif.

Vous expliquez aussi que ce résultat individuel ne prend presque jamais en compte la qualité…

Non, ce n’est souvent plus la qualité qui compte, c’est la rapidité d’atteinte de l’objectif. Ce n’est jamais dit comme ça, bien sûr, mais aujourd’hui beaucoup de travaux à l’intérieur d’un métier sont bâclés. Et ce qui se joue, dans cette exigence de rapidité, c’est l’estime de soi. On sait tous très bien lorsqu’on fait un travail de qualité. Et quand on bâcle, on le sait aussi. On peut le faire une fois, on connaît tous des pics d’activité, mais si on le fait tout le temps, on finit par voir dans son miroir quelqu’un qui ne fait pas du bon travail. Au-delà de la reconnaissance des autres, c’est l’estime de soi qui baisse. Et c’est le sens qui disparaît. Du coup, le stress monte, et on finit par se retrouver dans des formations de gestion du stress.

Vous expliquez que pour pouvoir donner du sens à son travail, il faut sentir qu’il y a une part d’irremplaçable dans ce qu’on fait…

Oui, quand une entreprise affirme que personne n’est irremplaçable, elle transforme l’être humain en machine capable d’exécuter une tâche. Or il y a une part d’irréductible à chaque être humain. Un réceptionniste dans un hôtel a sa manière à lui de faire son travail, intimement liée à sa personnalité. Il y a des règles et des procédures à suivre, mais c’est son identité métier qui compte avant tout. Et quand on lui reconnaît cette identité-là, il peut trouver du sens. C’est de ça dont les salariés ont besoin, pas de salles de massage. Ils ont besoin de faire un travail de qualité, de la façon dont eux se le représentent.

Comment en est-on arrivé à vouloir détruire ce que les gens apportent ?

Ça vient de la volonté de contrôle. L’arrivée de l’informatique y a été pour beaucoup, car elle permet de contrôler beaucoup de choses. Et elle permet surtout de tout chiffrer. Cette volonté de contrôle, c’est un désir de toute-puissance. En face, le travail, c’est vivant, et plus on essaie de réduire ce paramètre, plus les gens sont malheureux. Mais l’illusion qui persiste, c’est que plus on contrôle, plus on va être rentable. C’est peut-être parfois vrai, mais ça implique surtout d’abîmer le sens qu’on peut trouver dans son travail. Il y a une course en avant. C’est comme si on ne pouvait plus faire autrement. Et ça a un impact sur absolument tous les métiers. Même les travailleurs sociaux ou les salariés des ONG se retrouvent avec des objectifs chiffrés.

Le cynisme de cette situation, c’est qu’il y a une injonction au divertissement permanent…

Dans l’évolution du langage, on est passé de la souffrance physique à la souffrance mentale, aux risques psychosociaux, puis au stress au travail, et on a basculé dans le positif avec la «qualité de vie au travail», puis le «bien-être» au travail, et maintenant on en est au «bonheur». Et je suis persuadée que bientôt, ça fera partie des objectifs à atteindre, d’être heureux au travail. Et ceux qui ne sont pas heureux, ils commettront une faute, ils vont finir par poser problème. Ils seront sur la pente de l’exclusion.

Pour vous, les grandes entreprises sont-elles des milieux toxiques ?

Oui. Toutes. On peut trouver des îlots, des petits services où les gens s’entendent bien, mais globalement, à partir d’une certaine taille, ça devient invivable.Erwan CarioSYLVAINE PERRAGIN LE SALAIRE DE LA PEINE «Don Quichotte», Le Seuil, 192 pp., 16 €.

https://www.liberation.fr/debats/2019/04/24/sylvaine-perragin-l-obligation-d-etre-heureux-au-travail-fera-bientot-partie-des-objectifs-a-atteind_1723161

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Le Crédit Mutuel élu meilleur groupe bancaire français au palmarès international Global Finance

Pour la cinquième année, le Crédit Mutuel se place en tête des banques françaises au « World’s Best Banks Award 2019 », le palmarès du magazine américain Global Finance. Référence internationale en matière d’actualité financière, Global Finance sélectionne chaque année les meilleures institutions financières du monde entier. Pour établir ce classement, des critères tels que la croissance des fonds propres, la rentabilité, le rayonnement géographique, les nouveaux développements commerciaux, l’innovation sont mis au regard des jugements des analystes financiers…

https://www.creditmutuel.com/sites/default/files/uploads-wysiwyg/Communiqu%C3%A9s%20de%20presse/2019/20190401-CP-GLOBAL-FINANCE-FR.pdf

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Le Brexit fait flamber les coûts de supervision bancaire Par Delphine Cuny

Les redevances dues par les banques européennes à la BCE vont augmenter de 21% cette année, du fait de la hausse des effectifs nécessaire pour superviser les activités transférées depuis le Royaume-Uni essentiellement.

Les banques européennes vont avoir une nouvelle raison de se plaindre du poids de la mise en conformité et de la réglementation. Leur autorité de supervision, la Banque centrale européenne (BCE), a dévoilé ce mardi 30 avril le montant des redevances dont elles devront s’acquitter cette année : 576 millions d’euros, en augmentation de 21,3% par rapport à l’an dernier.

« La hausse des redevances s’explique dans une large mesure par l’augmentation, liée au Brexit, du nombre de banques soumises à la surveillance prudentielle », justifie la BCE dans son communiqué.

Les banques recevront leur facture en octobre. Les plus grandes, celles soumises à la surveillance prudentielle directe de la BCE (119 entités, dont 12 ayant leur siège en France, notamment BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Société Générale), verseront 91% de ces redevances, les plus petites institutions financières, supervisées directement par les régulateurs nationaux, le solde. La redevance est établie sur la base de l’importance et du profil de risque de la banque.

« La hausse des dépenses estimées […] est principalement imputable au renforcement des effectifs dû au transfert ou à l’accroissement des activités de certaines banques dans la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (« Brexit ») et à la conduite des évaluations préparatoires y afférentes », précise la BCE.

Les banques étrangères qui avaient leur filiale européenne au Royaume-Uni ont créé ces derniers mois des entités capitalisées et relocalisé des personnels dans l’UE, à Dublin, Francfort ou Paris le plus souvent, pour répondre aux exigences des superviseurs. Les transferts d’actifs qui devraient avoir lieu dans le cadre du Brexit depuis Londres vers le reste de l’Union sont estimés à plus de 1.100 milliards d’euros par le cabinet EY.

Facture salée du fonds de résolution

Dans le détail, sur les 559 millions d’euros de coûts de supervision estimés (auxquels il faut ajouter un déficit de 15,3 millions d’euros enregistré en 2018), les salaires des plus de 2.500 collaborateurs de la BCE dans toute l’Europe représentent 264 millions d’euros.

BCE coûts dépenses

[Calcul du montant total des redevances de surveillance prudentielle annuelles pour l’exercice 2019. Crédit : BCE]

L’institution de Francfort ajoute que d’autres frais proviennent d’une « évaluation complète de six banques bulgares, en vue d’engager des négociations sur une coopération rapprochée avec la Bulgarie » et de « la restructuration du secteur des banques coopératives en Italie« .

Outre ces redevances liées directement à la supervision, les banques européennes se plaignent de la facture salée du Fonds de résolution unique (FRU), ce dispositif de réserves en cas de faillite d’un établissement, alimenté par des contributions annuelles, qui se chiffrent en centaines de millions d’euros pour chacune des grandes banques françaises pour un total de 2,3 milliards d’euros l’an dernier, plus de 30% du total.

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/banque/le-brexit-fait-flamber-les-couts-de-supervision-bancaire-815798.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1556638826

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L’incompétence professionnelle et sociale, première cause d’une mauvaise ambiance de travail Par Angela Sutan et Ludivine Martin

(Crédits : DR)

IDEE. La recherche démontre que ce sont généralement les comportements des individus les moins compétents qui contribuent le plus à l’instauration d’un climat délétère au sein d’une équipe. Par Angela Sutan, Burgundy School of Business et Ludivine Martin, Luxemburg Institute of Socio-Economic Research (LISER)

Dans la nouvelle série de l’humoriste britannique Ricky Gervais, After Life, nous assistons à la discussion suivante entre un manager et son employé. Manager : « Tu ne peux pas continuer à être impoli avec les gens… Je vais peut-être devoir te laisser partir. » Employé : « Tu ne le feras pas… parce que tu es un mec gentil. Alors je vais profiter de toi… Tu me donneras un avertissement, je vais l’ignorer. Tu me donneras un autre avertissement. Je vais l’ignorer. Je continuerai à faire ce que je veux. Tu finiras par abandonner, et je gagnerai. »

Ricky Gervais met le doigt, comme il sait si bien le faire (souvenez-vous du réalisme presque gênant de sa création précédente, The Office), sur une interaction entre un manager qui cherche à préserver la bonne marche de son équipe en essayant de faire changer le comportement d’un employé impoli, et un employé qui semble pratiquer envers lui du harcèlement vertical ascendant.

La bonne marche d’une équipe se compose, entre autres, d’une bonne ambiance de travail et de la réalisation des tâches spécifiques que l’équipe doit réaliser. Le premier élément dépend par exemple de la politesse de tous, le deuxième de la compétence et de l’effort des collaborateurs. Puisque cette bonne marche assure le bien-être de ses membres, elle peut être considérée comme un bien commun de l’équipe, auquel tous les membres peuvent contribuer, et dont tous en profitent. En cherchant à s’assurer de cette bonne marche, le manager peut être considéré comme bienveillant.

Or, en étant impoli, l’employé en question détruit ce bien commun. Il le détruit également en harcelant son manager. Dans la réalité, ce type de harcèlement peut aussi se traduire par de véritables activités de sabotage du travail du manager et de l’organisation.

Comportement de punition antisociale

La simple situation d’impolitesse que l’on retrouve dans la série After Life est beaucoup plus courante qu’on ne pourrait le penser. D’après l’Observatoire de la santé psychologique au travail, entre 2013 et 2017, en France, on a identifié qu’« être en contact avec des gens impolis » et « avoir des personnes au travail qui prennent plaisir à me faire souffrir » sont des situations qui touchent 35 % des individus, ce qui génère un stress considérable. Plus d’une personne sur 3 ose donc reconnaître qu’elle est en souffrance au travail du fait de ces comportements.

Ce type d’action, impolie et impertinente, est ce que l’on appelle, en économie comportementale, un comportement de punition antisociale. Identifiée expérimentalement par l’équipe du professeur Simon Gaechter de l’Université de Nottingham, cette punition antisociale se matérialise de la sorte : lors de la mise en place de contributions volontaires au bien commun au sein d’une équipe, si les individus ont la possibilité à la fois d’observer les contributions des autres et de punir certains d’entre eux, certains individus vont avoir tendance à punir ceux qui contribuent le plus ! Ceci arrive d’autant plus que le punisseur est lui-même un passager clandestin, c’est-à-dire une personne qui ne contribue pas, mais bénéficie du bien commun.

Nous avons également observé ce type de comportement dans les travaux liés au projet TWAIN : lors de l’exécution de tâches, nous avons remarqué que certains individus entreprenaient des actions qui empêchaient spécifiquement les individus performants de travailler. Enfin, rappelons-nous du travail précurseur des sociologues Michel Crozier et Erhard Friedberg, qui avaient déjà décrit ce type de comportement dans leur ouvrage « L’acteur et le système (1977) ».

Passager clandestin

Il y a une corrélation positive entre incompétence, comportement de passager clandestin, et désir de punition de son manager bienveillant et de son institution. L’explication par l’équipe de recherche européenne menée par Benedikt Herrmann de l’Université de Bath est la suivante : plus un individu a un comportement de passager clandestin (caractérisé par des actions visant à le maintenir à une place à laquelle il ne peut pas légitimement prétendre), plus il a été, certainement, par le passé, « puni » par la société du fait de ce comportement.

L’absence de compétence rentre dans cette catégorie : l’individu a pu ressentir comme une punition de la société entière le fait qu’il n’ait pas accédé à un travail intéressant, bien rémunéré, etc. Il va donc développer une forme de vengeance dirigée contre l’individu qui montre, aux yeux de tous, qu’un autre type de comportement (la coopération, la contribution au bien commun) existe : son manager ! Car le manager est la seule personne contre laquelle il peut agir, pour solder certaines dettes du passé…

Le harceleur, car ce comportement est bien du harcèlement, voit son action comme un moyen de progresser en termes de statut. Lorsque l’accès au statut ne peut se faire par la compétence (qu’il n’a pas),

ni par la contribution (qu’il ne fait pas), il se fait par la punition des contributeurs.

Le manager a pu avoir à son égard des actions altruistes (mise en place d’un esprit d’équipe, à travers des événements partagés et des incitations à sa formation, etc.). Cette action a été visible et reconnue par les collaborateurs, y compris par l’employé en question. Mais le punisseur s’autopersuade que les actions du manager altruistes à son égard sont avant tout des modalités de signalement de la part de celui-ci pour lui montrer à quel point il est, lui, le manager, au-dessus, en termes de bienveillance, de compétence ou de productivité.

Des mécanismes encore plus vicieux sont alors mis en œuvre par le harceleur. Pour créer son statut sur une dimension autre que celle liée à la compétence ou à la contribution, il s’attache, premièrement, à proclamer son statut supérieur (« savez-vous qui je suis ? ») sur une dimension subjective, non mesurable, qui lui permet de se penser omnipotent (et de faire abstraction de toutes les règles éthiques, morales ou sociales, qui ne s’appliqueraient pas à lui).

Deuxièmement, si les membres de son équipe ne le punissent pas immédiatement pour ses actions (car les collègues prennent rarement position dans les affaires de harcèlement), s’installe un engourdissement culturel (les autres individus acceptent et incorporent ces comportements déviants, par la simple inaction). Enfin, on peut assister à une situation d’ignorance justifiée lorsque les autres collègues ne parlent pas de ces comportements car ils ont peur de fragiliser encore plus l’ambiance au travail ! Ces trois éléments peuvent expliquer le manque de réaction de la part du manager et des collaborateurs.

Prévenir et guérir

Comment en finir avec ces comportements ? Il vaut mieux, évidemment, prévenir que guérir.

Pour prévenir, les organisations pourraient anticiper le problème en mettant en place en amont des procédures de recrutement plus longues, dans lesquelles le penchant pour ce type de comportements envieux pourrait être identifié (par des tests ou par la vérification minutieuse des références comportementales des candidats). En mettant à la disposition des managers des outils de recrutement développés avec des psychologues sur la base de recherches empiriques, on pourrait donc permettre aux organisations de se prémunir contre des mauvais recrutements. Malheureusement, beaucoup d’entreprises aujourd’hui sont obligées de fonctionner en flux tendu en faisant rentrer trop rapidement dans les équipes des individus qui n’ont pas assez de compétence, pas de passion pour le travail en question, et qui considèrent le travail comme subi et pas choisi, ce qui conduit à ce type de cercle vicieux.

Pour guérir, il existe des moyens légaux qui peuvent être déployés par les services RH pour venir en aide aux managers et aux équipes qui font face à ce problème, à condition que le problème soit signalé rapidement. Il faudrait donc travailler avec les managers sur la prise de conscience de comportements déviants, sur les dangers d’une bienveillance tous azimuts qui rimerait avec inaction, et sur des formations des managers et autres collaborateurs à la mobilisation de mécanismes de défense.

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-incompetence-professionnelle-et-sociale-premiere-cause-d-une-mauvaise-ambiance-de-travail-815089.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1556652696

Par Angela Sutan, Professeur en économie comportementale, Burgundy School of Business et Ludivine Martin, Researcher, Luxemburg Institute of Socio-Economic Research (LISER)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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Banques : l’accord sur les « CDI Kleenex » bloqué par la CFDT, la CFTC, la CGT et FO Par Delphine Cuny 29/04/2019, 7:00

Les quatre syndicats n’ont pas ratifié l’accord de branche dans la banque sur les CDI d’opération, signé par le SNB/CFE-CGC. Une décision inédite des organisations syndicales qui dénoncent un risque de régression sociale.

Un front commun sans précédent. Les quatre syndicats CFDT, CFTC, CGT et FO se sont associés pour s’opposer à un accord de branche dans la banque sur les CDI d’opération et l’assouplissement des modalités d’usage des CDD, ont-ils annoncé vendredi 26 avril. Cet accord avait été signé le 8 avril par le premier syndicat de la profession, le SNB/CFE-CGC, qui représente 34% de représentativité du secteur. Il fallait atteindre le seuil de 50% pour bloquer son entrée en vigueur. Les quatre organisations syndicales CFDT, CFTC, CGT et FO « réunissant 66,02% de représentativité au sein de la branche AFB« , l’Association française des banques, « en prenant cette décision inédite, assument les responsabilités qui sont les leurs en matière de défense de l’intérêt des salariés » ont-elles fait valoir dans un communiqué.

Les ordonnances Macron de septembre 2017 avaient étendu à d’autres secteurs le CDI de chantier, auparavant réservé au BTP, pouvant être désormais nommé « CDI d’opération » : ce contrat à durée indéterminée est conclu « pour la durée d’un chantier ou d’une opération » et sa rupture se traduit par un licenciement pour « une cause réelle et sérieuse« . La CGT Société Générale surnomme ce type de contrat des « CDI Kleenex« , la CFDT parle de « salariés jetables« .

« Nos organisations considèrent que la création d’un CDI d’opération permettait surtout de faire baisser les coûts pour les entreprises au détriment de la pérennité de l’emploi des salariés. Et ce, d’autant qu’il pouvait concerner tous les métiers, sauf les métiers commerciaux dans les agences. Elles considèrent que cet accord représentait une vraie régression dans la sécurité collective de l’emploi » expliquent les syndicats.

Internalisation d’emplois dans l’informatique

Les organisations syndicales estiment également que « la précarisation de l’emploi des salariés du secteur était aggravée par des dispositions qui assouplissaient les modalités d’usage du CDD » : l’accord prévoyait d’augmenter le nombre maximal de renouvellements, passant de deux à trois, et de diminuer les délais de carence entre deux CDD.

Actuellement, 98,4% des salariés de la branche sont en CDI, selon les chiffres à fin 2017 publiés en juin dernier par l’AFB. Cependant, « dans certaines activités (l’informatique, par exemple), les employeurs font massivement appel à des prestataires externes » soulignait la CFDT mi-avril dans uncommuniqué. « La création d’un CDI d’opération, dont l’issue est conditionnée par la fin d’un projet, va permettre d’internaliser certains emplois, mais surtout de faire baisser les coûts salariaux, au détriment de la pérennité de l’emploi des salariés » selon le syndicat qui représente 27% de la profession.

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/banques-l-accord-sur-les-cdi-kleenex-bloque-par-la-cfdt-la-cftc-la-cgt-et-fo-815554.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1556695455

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Nominations à la Direction générale de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel

Pierre-Edouard Batard et Isabelle Ferrand

 Isabelle Ferrand, Directrice générale Adjointe – Pierre-Edouard Batard, Directeur général de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel

Sur proposition de Nicolas Théry, de Pascal Durand et de 17 fédérations de Crédit Mutuel, l’assemblée générale de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel a nommé le 26 mars Pierre-Edouard Batard, au poste de Directeur général. Celui-ci a désigné Isabelle Ferrand comme Directrice générale adjointe, un choix également confirmé par le Conseil d’administration qui s’est tenu le même jour.

Unis par une même vision du mutualisme – celle d’un groupe solide, solidaire et dans lequel les décisions se prennent au plus près des territoires -, Pierre-Édouard Batard et Isabelle Ferrand auront pour mission de diriger et animer l’organe central du groupe Crédit Mutuel, de garantir la stabilité financière du groupe, de promouvoir sa marque et de défendre ses intérêts au service de l’ensemble de ses affiliés.

Diplômé de l’École Polytechnique, Pierre-Édouard Batard a depuis longtemps choisi d’orienter sa carrière du côté de l’intérêt général et de l’utilité sociale. Il débute son parcours dans différents ministères, occupant de 2012 à 2016 le poste de conseiller du ministre du Travail puis des Finances avant de devenir directeur adjoint de cabinet du ministre de l’Économie et des Finances à l’automne 2016.

Isabelle Ferrand, diplômée de l’Institut Supérieur de Gestion Paris, a débuté sa carrière à l’Inspection Générale de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel. Elle était depuis 2011 directeur financier de l’organe central du Crédit Mutuel. Elle est par ailleurs, membre du conseil d’administration de l’Alliance Coopérative (ACI) depuis 2017 et y préside le Comité international de la comptabilité et des affaires réglementaires (IARAC). Elle est également membre du Conseil consultatif des normes comptables internationales (IFRS) depuis 2015.

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Américains accidentels : une menace pour les banques en Europe, mais la Commission n’y peut rien

Américains accidentels : une menace pour les banques en Europe, mais la Commission n’y peut rienSource: AFP
Vue des sièges des banques allemandes Deutsche Bank (à gauche) et Commerzbank (à droite en arrière-plan) à Francfort-sur-le-Main, dans l’ouest de l’Allemagne (photo d’illustration prise le 11 mars 2019).

Etre né aux Etats-Unis suffit à faire de vous non seulement un citoyen, mais aussi un contribuable étasunien. Un moyen de plus pour la justice des Etats-Unis d’infliger des amendes record aux banques européennes.

Ne soyez pas étonné si, lors d’un rendez-vous avec votre conseiller bancaire, ce dernier vous demande de certifier que vous n’êtes pas une US person. C’est devenu une mesure de sécurité économique banale depuis 2014 pour les banques et institutions financières françaises, et avant elles, européennes.

Le terme juridique «US person», repris sans traduction dans la plupart des documents bancaires français, désigne, en général, un large éventail de personnes morales ou physiques. Dans le cas particulier des banques, il désigne tout simplement un citoyen des Etats-Unis.

Les Etats-Unis pratiquent le droit du sol et accordent presque automatiquement la citoyenneté à toute personne naissant sur leur territoire. Mais comme ils ont en outre choisi la citoyenneté comme base de leur fiscalité, cette personne devient aussi un contribuable. Et cela peut lui coûter très cher, à elle et à la banque européenne où elle a ouvert un compte, si elle ne l’a pas mentionné et n’a pas fourni un numéro fiscal aux Etats-Unis, que bien souvent elle ignore.

En effet, Washington a adopté en 2010, au nom de la lutte contre l’évasion fiscale, le Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca), en vigueur depuis 2014 pour ce qui concerne la France. Il permet à son administration fiscale de recueillir automatiquement auprès des banques étrangères des informations sur leurs clients américains. En cas de refus, elles s’exposent à des sanctions à hauteur de 30% de leurs flux financiers avec les Etats-Unis.

Identifier tous ces clients américains – ou ayant la double nationalité – est devenu un défi pour les banques. Tenues de fournir le numéro d’identification fiscale américain de ces clients, les banques butent sur les absences de réponse et sur ce dossier désormais appelé des «Américains accidentels».

Plus que quelques mois avant la fin du moratoire

Mi-mars, une délégation de la Fédération européenne de banques, basée à Bruxelles et Francfort, s’est rendue à Washington pour demander aux autorités des Etats-Unis de prolonger ou de rendre définitif leur moratoire sur l’application du Facta, aux banques européennes, décidé en 2017 et qui arrive à échéance à la fin de cette année.

Selon la Fédération bancaire européenne (FBE), plus de 300 000 personnes sont concernées dans l’Union européenne. Depuis deux ans, nombre d’entre elles ferraillent, notamment au travers de l’Association des Américains accidentels (AAA) en France, pour que leur soit accordé un régime dérogatoire leur permettant d’être exonérés d’obligations fiscales américaines, voire de renoncer aisément à la nationalité américaine, une démarche aujourd’hui longue et coûteuse.

Pouvoir renoncer gratuitement à la citoyenneté étasunienne : un souhait du Parlement européen

En juillet 2018, le Parlement européen a adopté la résolution 2018/2646sur les effets néfastes de la loi des Etats-Unis relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (FATCA). Elle «invite les Etats membres à veiller à transposer pleinement et correctement la directive sur les comptes de paiement, […] et à garantir le droit pour tous les citoyens de l’Union d’avoir accès à un compte de paiement assorti de prestations de base indépendamment de leur nationalité. Ce dernier point entre en contradiction avec l’exigence de la justice américaine.

C’est pourquoi la résolution appelle aussi à garantir le respect droits fondamentaux de tous les citoyens, et en particulier des citoyens dits «Américains accidentels», que prévoit la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la convention européenne des droits de l’homme.

Enfin, elle demande au Conseil de «charger la Commission d’ouvrir des négociations avec les Etats-Unis en vue d’un accord FATCA UE–Etats-Unis […] et de permettre aux «Américains accidentels» de se défaire de leur citoyenneté américaine non souhaitée gratuitement, sans enregistrement de leurs données et sans sanctions.

Le Commission ne voit pas de raison d’intervenir

La Commission a répondu au Parlement en novembre ; pas en affirmant une détermination à agir auprès de la Justice des Etats-Unis, mais par une liste de motifs de ne pas précipiter les choses. Dans un document officiel elle fait en premier lieu observer que, «à l’exception d’un d’entre eux, tous les Etats membres de l’Union européenne ont conclu [des accords] avec les Etats-Unis pour la mise en œuvre de la FATCA».

Le Parlement ignorerait donc que les Etats membres se satisfont apparemment de cette situation ? Par ailleurs, la Commission fait remarquer que toute législation nationale «mettant en œuvre le régime de la FATCA doit être conforme à la législation de l’Union sur la protection des données». En conséquence de quoi «avant d’entreprendre toute nouvelle démarche, la Commission attendra que les autorités chargées de la protection des données procèdent à une évaluation de cette nature».

Au terme d’une exténuante liste de justifications pour ne rien faire, la Commission assène le coup de grâce à la résolution du Parlement de mai, en confiant qu’elle «n’a jusqu’à présent reçu aucun signal de la part du Conseil laissant penser que ce dernier pourrait envisager [de lui] attribuer un rôle formel de quelque nature que ce soit […] dans des discussions avec les Etats-Unis au sujet de la FATCA».

Les banques européennes face à un dilemme juridique

En attendant, les banques européennes sont à deux doigts de se trouver confrontées au dilemme suivant : respecter la législation européenne, ou se conformer à la réglementation américaine, ce qu’elles peuvent faire, tout simplement en clôturant le compte de leurs clients US persons.

Car, selon la Fédération bancaire européenne, pour éviter de «potentielles et énormes sanctions», les banques seront probablement obligées de rompre des contrats existants ce qui, pourrait mener à «l’exclusion financière» d’un nombre important de clients européens binationaux.

Or, Fabien Lehagre, président de l’Association des Américains accidentels (AAA) en France, cité par l’AFP, affirme que cette exclusion bancaire a déjà commencé depuis plusieurs années. Clôture ou refus d’ouverture de compte bancaire, pas d’accès à des produits de placements ou au crédit : la multiplication de ces situations pénalisantes a décidé l’AAA à porter plainte prochainement contre certains établissements bancaires pour discrimination.

En Europe, nous ne sommes pas bien organisés pour résister à la stratégie de conquête du monde financier des Américains

L’association, qui a déjà engagé de multiples initiatives, attend une décision du Conseil d’Etat auprès duquel elle déposé en octobre 2017 un recours pour s’opposer à l’application en France du Fatca, au motif que l’accord n’a pas de réciprocité avec les Etats-Unis et porte atteinte à la vie privée.

Dans le milieu bancaire, la mise en œuvre de Fatca laisse aussi un goût amer. «On s’est laissé imposer une nouvelle fois des choses très difficilement supportables par les Américains», estime auprès de l’AFP Bernard Pouy, président du Cercle de la régulation et de la supervision financière (CRSF), un club de réflexion bancaire.

«En Europe, nous ne sommes pas bien organisés pour résister à la stratégie de conquête du monde financier des Américains. Nous ne sommes pas suffisamment portés à la fois par nos régulateurs et nos représentants politiques qui devraient nous défendre», déplore-t-il.