Confluences
Posté le 8 octobre 2019

Si les dirigeants de la banque Arkéa clament à qui veut l’entendre leur souci du bien-être au travail, les politiques qu’ils mettent en œuvre démontrent qu’ils poursuivent des objectifs opposés. Intimidations, cornérisation des représentants syndicaux, destruction du dialogue social et fermetures d’agences au sein des territoires : la casse sociale est bien à l’oeuvre.

« A great place to work » : quel employeur ne souhaiterait pas que son entreprise soit considérée, en interne comme par son environnement extérieur, comme un endroit au sein duquel il fait bon travailler ? Quel employeur ne voudrait pas qu’on le présente comme sensible au bien-être de ses salariés, à leur écoute ? La banque Arkéa, basée en Bretagne et spécialisée dans les FinTech (Leetchi, Pumpkin, Fortuneo, etc.) n’échappe pas à cette nouvelle tendance managériale, elle dont les dirigeants ont décidé de participer à l’opération  Great Place To Work, qui se présente sur son site Internet comme « l’acteur de référence sur la qualité de vie au travail ».

« SOCIAL WASHING »

Louable, l’initiative serait née, selon Morgan Marzin, l’un des managers de la banque, – qui n’hésite pas à communiquer sur le sujet – en 2017, lors d’un « Startup Day », un séminaire dont l’objectif était, selon lui, « de faire pitcher (sic) tous les cadres de direction sur des idées innovantes ». « J’ai pitché (sic) l’idée que note groupe soit labellisé d’ici 2020 », poursuit le directeur du programme de transformation « Arkéa 360 », « et le Comex d’Arkéa a lui aussi été séduit ». Las : en dépit des anglicismes branchés et des dizaines de milliers d’euros mis sur la table – le ticket d’entrée moyen pour participer au concours –, la banque n’est pas parvenue à être « assez great pour être labellisée ».

Un échec cuisant, benoitement reconnu par M. Marzin au cours de la même interview, et d’ailleurs confirmé par le dernier classement établi par Great Place To Work, où Arkéa brille par son absence. De fait, derrière le verni d’une opération tenant davantage du « social washing » que d’un réel souci du bien-être au travail, se dissimule une politique aux objectifs et méthodes diamétralement opposés : intimidations diverses, cornérisation des représentants syndicaux, destruction systématique du dialogue social et fermetures d’agences au sein de territoires ruraux sont le quotidien des salariés d’Arkéa.

« LA DIRECTION VEUT LE PIRE POUR SES SALARIÉS »

A commencer par les deux salariés membres du conseil d’administration de la banque, qui seraient, selon des rumeurs internes, traités comme des parias par les autres administrateurs. Rien d’étonnant à cela, quand on sait qu’au sein du comité d’entreprise le DRH aurait comme principe de considérer comme des adversaires tous ceux qui ne le suivent pas à 100%. Il ne s’agit pas de simples bruits de couloir : la presse locale se fait, en effet, amplement l’écho de ces tensions sociales grandissantes, à l’image du Télégramme, qui n’hésite pas à parler de « rentrée sous tension ».

« Le climat social se durcit au Crédit mutuel Arkéa », analyse le quotidien breton, selon lequel « une semaine après la publication de nouvelles  »performances financières » par la direction, les organisations syndicales ont déploré le rejet de la quasi-totalité de leurs propositions dans le cadre des discussions sur les ordonnances de la loi Travail.  »Derrière le marketing permanent du bien-être au travail et d’un dialogue social de qualité, ce qui se trame (…), c’est l’extension des horaires de travail, le détricotage de la convention collective et la suppression des acquis, pouvant aller jusqu’à la baisse des rémunérations », écrit l’intersyndicale CFDT-CGT-SNB-UNSA dans un communiqué ».

« Le dialogue serait rompu entre la direction (d’Arkéa) et les représentants de ses organisations syndicales », confirme l’AGEFI Hebdo, qui donne la parole à l’un des délégués maison : « Notre direction souhaite revoir à la baisse les congés, le système d’avancement automatique mais aussi les fiches de postes, avec des responsabilités qui progressent bien plus que la grille de salaires, déplore ainsi Didier Mérignac. Nous sentons que la direction veut désosser notre convention collective pour valoriser uniquement ceux qu’elle juge les plus méritants. Elle récompense la performance individuelle au détriment de mesures collectives. »

Au vitriol, le dernier communiqué de l’intersyndicale s’inscrit dans la même veine : « la direction veut le pire pour ses salariés », peut-on y lire, le document parlant de l’effet « dévastateur » des ordonnances Macron  sur les instances représentatives du personnel et du « peu d’estime réelle (que la direction) a pour ses salariés et leurs représentants ». Estimant qu’il s’agit du « pire accord en la matière », les élus du personnel jugent encore que « la direction (d’Arkéa) dévoile son vrai visage. (…) Si (elle) ne bouge pas, le dialogue social est mort ».

CASSE SOCIALE

La casse sociale est également à l’oeuvre à la Socram (Société de Crédit d’assurance à caractère mutuel), une entreprise niortaise dont le rachat par Arkéa devrait être effectif d’ici à mars 2020 : seuls 150 des 210 salariés seront repris par la banque bretonne, les autres se retrouvant, selon toute probabilité, condamnés à changer de bassin d’emploi pour retrouver un travail. Les salariés historiques d’Arkéa ne sont pas épargnés, alors que leurs dirigeants se sont engagés, depuis plusieurs années, dans un vaste mouvement de fermetures d’agences et caisses locales : une preuve supplémentaire du peu de considération dans lequel ils tiennent leurs salariés, et de leur tropisme financier et numérique. A l’instar du convoyeur de fonds Brink’s, qui vient d’ouvrir dans le Finistère son premier distributeur automatique de billets – sans banque ni, a fortiori, d’agence bancaire – le rêve de Jean-Pierre Denis et Ronan Le Moal (PDG et DG d’Arkéa) serait-il de se séparer définitivement de leurs employés ? Un horizon sinistre pour la Bretagne et les Bretons.

https://www.confluences.fr/2019/10/arkea-une-rentree-hyper-tendue-sur-le-plan-social/