Pour des questions de rentabilité, les banques suppriment peu à peu leurs guichets automatiques dans la région parisienne y compris dans des zones très peuplées où tirer de l’argent devient un casse-tête.
Par Carole SterléLe 19 septembre 2019
avec Thibault Chaffotte
On inaugure même les distributeurs de billets (DAB)! A Persan (Val-d’Oise), ville de 13 000 âmes, les habitants ont rendez-vous le samedi 28 septembre près du conservatoire pour un verre de l’amitié. Pour quel heureux événement? Célébrer un nouvel automate de la Société Générale. Le résultat d’un combat de longue haleine pour l’équipe d’Alain Kasse, le maire (DVD) qui a vu fermer les uns après les autres, les points de retraits d’argent dans sa ville. Et sans sommation. La Caisse d’Epargne, le Crédit Lyonnais… tous partis. Il ne restait plus que La Poste et le Centre Leclerc. «Sans ce DAB, le marché forain et ses 60 commerçants a bien failli être tué dans l’œuf », indique-t-on en mairie de Persan.
Pas si anodin que ça, le guichet automatique bancaire pour la vie d’une commune. Et cette vague de départs inquiète. « La situation s’aggrave, elle ne touche plus seulement la ruralité mais aussi les zones urbaines », constate ainsi Serge Maître, porte-parole de l’Association française des usagers de banques (Afub). Pour lui, la vitalité économique des villes est en jeu.
« La désertification bancaire ne cesse de s’étendre »
Le cas de Persan n’est pas isolé. A Champigny (Val-de-Marne), 78 000 habitants, quatre fermetures de banques depuis 2016 et autant de DAB. Le maire Christian Fautré (PCF) s’est fendu en août dernier, d’un courrier au ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, pour dénoncer « la désertification bancaire qui ne cesse de s’étendre » et la crainte de « voir s’instaurer de nouvelles fractures au sein de la société ».
Par Carole SterléLe 19 septembre 2019 à 06h04
avec Thibault Chaffotte
On inaugure même les distributeurs de billets (DAB)! A Persan (Val-d’Oise), ville de 13 000 âmes, les habitants ont rendez-vous le samedi 28 septembre près du conservatoire pour un verre de l’amitié. Pour quel heureux événement? Célébrer un nouvel automate de la Société Générale. Le résultat d’un combat de longue haleine pour l’équipe d’Alain Kasse, le maire (DVD) qui a vu fermer les uns après les autres, les points de retraits d’argent dans sa ville. Et sans sommation. La Caisse d’Epargne, le Crédit Lyonnais… tous partis. Il ne restait plus que La Poste et le Centre Leclerc. «Sans ce DAB, le marché forain et ses 60 commerçants a bien failli être tué dans l’œuf », indique-t-on en mairie de Persan.PUBLICITÉ
Pas si anodin que ça, le guichet automatique bancaire pour la vie d’une commune. Et cette vague de départs inquiète. « La situation s’aggrave, elle ne touche plus seulement la ruralité mais aussi les zones urbaines », constate ainsi Serge Maître, porte-parole de l’Association française des usagers de banques (Afub). Pour lui, la vitalité économique des villes est en jeu.
« La désertification bancaire ne cesse de s’étendre »
Le cas de Persan n’est pas isolé. A Champigny (Val-de-Marne), 78 000 habitants, quatre fermetures de banques depuis 2016 et autant de DAB. Le maire Christian Fautré (PCF) s’est fendu en août dernier, d’un courrier au ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, pour dénoncer « la désertification bancaire qui ne cesse de s’étendre » et la crainte de « voir s’instaurer de nouvelles fractures au sein de la société ».PUBLICITÉ
A Sartrouville (Yvelines), les habitants du Plateau ont crié à l’abandon au départ de la Société Générale, en juin dernier. Ils sont priés d’aller au guichet à Argenteuil, dans le département voisin. En France, ce sont 3000 distributeurs qui ont fermé en trois ans, selon le rapport de la Banque de France rendu public en juin 2019. Seule la Banque postale a augmenté son parc de 2%.
Banquiers, syndicats, élus sont à peu près tous d’accord sur l’explication de cette situation, qui tient en un mot : rentabilité. «Nous allons vers une réduction de services, trop chers à mettre en place, auxquels s’ajoutent le coût du transport de fonds et le temps passé à exploiter les dépôts ou charger le DAB», estime Mireille Herriberry, secrétaire fédérale de la section FO banques. Selon Claude, cadre financier, « cette situation est liée à la dégradation de la marge des banques en raison de la baisse des taux d’intérêts et de la concurrence avec les banques en ligne. Les clients veulent de plus en plus de services gratuits ».
Se rendre dans les communes voisines, un réflexe
En Ile-de-France et dans l’Oise, ou l’on recense 4720 DAB, tous les départements ne sont pas logés à la même enseigne. Et les disparités ne sont pas seulement liées à la densité de population.
Direction Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), près de 30 000 habitants et deux adresses seulement pour obtenir des billets : La Poste et le centre commercial Leclerc à l’extrémité de la ville. La BNP a baissé le rideau en 2017, à la suite d’« une baisse de fréquentation et de domiciliation des comptes clients ». En avril 2018, c’était au tour de la Caisse d’Epargne de déménager sur la ville d’à côté, Livry-Gargan, « dans un environnement plus facile et des locaux plus grands ».
«Le 5 du mois, il y a la queue au DAB de La Poste pour tirer de l’argent, constatent Kaltoum et Thierry, habitants de Clichy-sous-Bois. Et quand il ne fonctionne pas ou qu’on est en dehors des horaires d’ouverture, on va à Livry, à pied ou en bus. »
Se rendre dans les villes voisines pour tirer de l’argent, est devenu un réflexe. «Moi je tire mon argent à Paris », explique Betty, agent hospitalier.
« Dans les quartiers populaires, le liquide c’est culturel »
Ce qui n’est pas fait pour rassurer les commerçants, qui voient ainsi s’échapper une partie de leur clients, plus enclins à faire leurs courses là où ils trouvent de l’argent liquide. Même si certains commerces acceptent des petits paiements en carte bleue, c’est un frein à l’économie locale.
«Pour peu que notre terminal de paiement ne fonctionne pas bien, on ne s’en sort pas » lâche Yusuf Aclan, un entrepreneur qui a donc choisi de délocaliser sa pâtisserie à Sevran, plus « près des banques ». « Ici, dans les quartiers populaires, le liquide, c’est culturel, poursuit le commerçant. Quand on tire les billets en début de mois, on gère mieux son budget qu’avec une carte bleue. »
Mais la préférence du cash dépasse largement les frontières de Clichy-sous-Bois. Selon le suivi barométrique de l’Ifop pour Brink’s France paru en mars 2019, 86% des sondés préfèrent avoir des espèces sur eux pour régler les petits achats du quotidien. Et 20% estiment avoir davantage de difficulté qu’avant à se procurer des billets.
En-dessous d’un certain nombre de retraits, la ville paie
A Clichy-sous-Bois, un nouveau DAB devrait voir le jour, là aussi, au prix de longues négociations. Avec le soutien du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), dont le directeur général Eric Lombard avait écrit à plusieurs banques pour les alerter de cette situation inégalitaire.
La BNP a accepté de revenir, non pas avec une agence, mais avec un simple automate. Le maire Olivier Klein (PS) se souvient encore d’un échange un peu vif avec un représentant de cette banque qui lui tendait sa carte de visite à une cérémonie de vœux… « Moi, j’étais plutôt en colère, les banques étaient parties les unes après les autres (NDLR : Lyonnais, BNP, Caisse d’Epargne) », se souvient l’élu, par ailleurs président de l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru). A la BNP, on indique attendre que le conseil municipal délibère sur les modalités de fonctionnement de ce futur automate.
« Les services se sont mis d’accord. La ville fait les travaux, la BNP paye le DAB, l’installation, s’assure du remplissage… Un forfait est fixé en fonction du nombre de retraits », détaille le maire, qui espère bien une mise en service à Noël. Selon nos informations, le seuil de rentabilité de ce distributeur a été fixé à 44 750 retraits par an. En deçà, la ville devrait payer 57 centimes d’euro par retrait manquant. Mais si c’est un succès, au-dessus de 65 000 retraits, ce serait à la banque de verser 28 centimes d’euros par retrait.
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