Point d’efficacité collective (et donc de profit) sans salariés épanouis. – Shutterstock

Tendance Légalement tenues d’assurer la bonne santé de leurs collaborateurs, les entreprises cherchent aussi parfois à garantir leur bien-être. Quitte à oublier les fondamentaux : un espace de travail adapté et des relations de confiance.

La qualité de vie au travail est une question sérieuse que  l’embauche d’un « chief happiness officer » ne saurait évacuer de l’agenda des directions générales. Or ces dernières semblent avoir allègrement glissé du prisme de la santé et de la sécurité au travail à celui du bien-être. « La santé est une obligation légale et le bien-être est à l’origine un concept scientifique qui parle de la santé mentale », rappelle Pierre-Eric Sutter, psychologue du travail et auteur de l’ouvrage « Promouvoir le bien-être au travail. » Explications.

Le bien-être, un fourre-tout

Quand la langue de Shakespeare distingue la santé mentale « wellness » du bien-être ressenti « well-being », le français fait du bien-être au travail une expression mot fourre-tout, qui englobe aussi le bonheur au travail. Plus précis, le Bureau international du travail inclut dans sa définition la santé physique et mentale, le sentiment de satisfaction et l’épanouissement au travail tout comme les nécessités de répondre aux enjeux de société que sont l’allongement de la vie professionnelle, la féminisation et la lutte contre l’exclusion du marché de l’emploi.

Des approches déclaratives

En France, le coût du mal-être au travail est estimé à 13.440 euros par salarié dans le secteur privé, d’après la dernière étude du cabinet Mozart Consulting. « Le bien-être au travail ne fait l’objet ni d’une obligation légale contrairement à la santé ni de négociation comme la qualité de vie au travail. Mais il nécessite d’établir un état des lieux des conditions de travail pour ensuite mettre en oeuvre des axes d’amélioration », explique Valérie Langevin, experte d’assistance conseil sur les risques psychosociaux à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Et il y a urgence : 75 % des dirigeants interrogés par Viavoice Harmonie Mutuelle en 2018 jugent la prévention des risques professionnels et des troubles psychosociaux comme une priorité, au même titre que l’amélioration des espaces et des conditions matérielles de travail.

Pour prendre le pouls de la situation, l’INRS propose un questionnaire dont les résultats sont ensuite discutés en groupes de travail. D’autres approches, toutes sur une base déclarative, s’appuient sur des baromètres ou des applications numériques.

La question du lieu de travail

66 % des actifs consultés par Actineo pour l’édition de son baromètre du 2 avril pensent que  leur lieu de travail est mal adapté à leurs besoins . En témoignent les 43 % de personnes qui aimeraient disposer « d’un siège ergonomique réglable en fonction de leur anatomie et de leur façon de travailler ». Quand il est demandé aux salariés travaillant dans un bureau ce qu’il leur faudrait « en priorité, pour améliorer leur bien-être et leur efficacité au travail », ils souhaitent avant tout aménager à leur guise leur temps (32 %) et leur espace de travail (25 %). Le  télétravail est, en cela, une solution de plus en plus développée, particulièrement depuis sa facilitation par les ordonnances réformant le Code du travail du 23 septembre 2017. Et si le bureau fermé reste la norme au niveau national, le flex office – ou la possibilité de choisir son espace de travail en arrivant le matin – commence doucement à s’installer comme tendance. BETC, BNP Paribas Personal Finance, BETC, Bouygues, Crédit Agricole, Danone, Engie, L’Oréal, PSA, Sanofi, SFR ont ainsi fait ce choix d’organisation.

Un terrain d’action délicat

Mais il n’y a pas que l’aménagement de l’espace, les services font aussi leur entrée dans les organisations. Cette tendance est le symptôme d’une révolution plus profonde de la gouvernance et du management des entreprises. Ne sont donc pas rares les sociétés de toute taille proposant des cours de yoga, des séances d’ostéopathie, des  espaces de repos , des baby-foot, etc. Et quand Léa Nature, premier fabricant français de produits bio, met des fruits de saison à disposition de ses salariés, aux Etats-Unis, Google va plus loin en fournissant à ses restaurants d’entreprise des assiettes de 20 centimètres de diamètre (au lieu de 30) afin d’inciter ses salariés à réduire leurs portions alimentaires pour une meilleure santé. N’est-ce pas là aller trop loin ? Non, répondent en choeur certaines entreprises arguant qu’elles agissent à la demande des collaborateurs.

La formation des managers

En définitive, passé la phase d’« amélioration des conditions de travail », le fondement du bien-être tient à la qualité du management. «  Les employés d’abord, les clients ensuite », claironne depuis des années le conférencier Vineet Nayar. Point d’efficacité collective (et donc de profit) sans salariés épanouis ! « Pour fidéliser ses collaborateurs, l’entreprise doit amplifier les temps de ressourcement et développer un mode fraternel entre eux », considère Jean-Noël Gaume, auteur du livre « L’Entreprise inspirante ». Et rester cohérente, car à quoi bon « programmer des cours de yoga quand des managers se comportent mal », relève Philippe Rodet, ex-médecin urgentiste reconverti dans le management. « Des interventions censées favoriser le bien-être trop décalées par rapport aux circonstances et à l’organisation du travail » produisent « des effets négatifs », prévient Olivier Tirmarche, directeur associé du cabinet Stimulus Conseil qui invite à  exprimer feed-back et reconnaissance . 

Pour sensibiliser les managers, le cabinet de conseil en ressources humaines LHH Altedia commercialise un jeu de l’oie afin de leur faire comprendre les signaux faibles émis par un collaborateur en situation difficile. De son côté, sous l’impulsion de son directeur général Laurent Bouschon, l’ETI Mutuaide a décidé de muscler son programme de formation en y introduisant des modules de management de confiance. « Si on ne recherche pas de managers de qualité, les actions de bien-être sont des coups d’épée dans l’eau », estime Emmanuelle Nave, la directrice des ressources humaines de cette filiale de Groupama. L’accompagnement managérial, c’est toute l’année et non une seule fois par an, à l’occasion de son entretien annuel. » Le bien-être au travail, clef essentielle d’efficacité.

Delphine Iweins (@DelphineIweins), avec Antoine Favier (@AntoineFavier2)

https://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/ressources-humaines/bien-etre-au-travail/0600971847917-bien-etre-au-travail-tout-depend-des-managers-328221.php#xtor=CS1-35

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