Les fonctions administratives sont les plus à risques. Pour se digitaliser sans détruire massivement des emplois, les banques doivent renforcer la formation.
« Duplex, l’assistant vocal autonome de la banque, repère les dossiers d’ouverture de compte incomplets et passe simultanément les 7 coups de fil de relance nécessaire. Il organise ensuite l’agenda des conseillers pour la semaine suivante et fixe les rendez-vous avec les clients… ». Ce scénario n’est pas esquissé par un géant de la Tech mais par la profession bancaire elle-même.
20 % des métiers vont disparaître
Dans une étude destinée à aiguiller les négociations de la branche professionnelle sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) qui doivent avoir lieu cette année, le cabinet de conseil HTS Consulting et l’Observatoire des métiers de la banque dressent le panorama du grand chamboulement que vont vivre les banquiers, sous la pression du digital.
Selon leurs prévisions, 20 % des effectifs du secteur vont voir leur métier disparaître d’ici à 2025 et plus de 50 % vont le voir profondément évoluer. « Les transformations en cours dans l’industrie bancaire sont rapides et profondes et elles vont encore s’accélérer. Notre environnement digital, les évolutions technologiques, les nouvelles attentes de nos clients nous obligent à aller vite », prévient Béatrice Layan, responsable de l’Observatoire des Métiers de la Banque à la Fédération Bancaire Française (FBF).
Le basculement est déjà engagé
Les fonctions de gestion administrative (classement d’archives, filtrage d’appels…), de traitement d’opérations courantes et de recueil d’informations simples (passage d’ordre sur les marchés, recueil d’incidents de non-conformité…) sont les plus menacées.
« Les processus seront digitalisés et de nombreux traitements seront réalisés par la machine », prédit l’étude qui attend une industrialisation massive des outils d’intelligence artificielle dans le secteur. Les fonctions supports et commerciales vont aussi être mises sous tension pour s’adapter à tous les canaux digitaux.
Erosion lente et régulière des effectifs
Dans les faits, ce basculement est déjà largement engagé. Entre 2012 et 2017, selon cette même étude, les chargés d’accueil , les gestionnaires administratifs et les gestionnaires de back-office ont tous subi une baisse de plus de 15 % de leurs effectifs dans les banques commerciales françaises (AFB). Et les banques taillent dans leurs réseaux d’agences.
En parallèle, pour répondre aux besoins d’experts, les recrutements de conseillers entreprises se sont accélérés (+34 % entre 2014 et 2017), tout comme ceux de spécialistes des données. Au global, le secteur bancaire n’est toutefois plus créateur d’emplois : depuis 2010, les banques françaises ont perdu 4 % de leurs effectifs.
Tensions sociales
Ce contexte anxiogène, qui rappelle les bouleversements dans l’industrie, suscite des tensions sociales. Début décembre, l’intersyndicale de BNP Paribas a appelé à des débrayages pour protester contre la dégradation des conditions de travail et l’absence de revalorisation générale des salaires. Une union syndicale qui n’avait pas eu lieu depuis vingt ans.
« Après la crise financière, les postes avaient diminué mais ce phénomène était masqué par la hausse des effectifs dans les services centraux compte tenu des nouvelles contraintes réglementaires. Maintenant, on arrive à la vérité des chiffres : l’érosion lente et régulière », note Régis Dos Santos, président du Syndicat national de la banque et du crédit (SNB).
Le défi de la formation
Reste à savoir si ce phénomène doit s’accélérer avec la mue numérique des établissements. Sur ce point, les experts se veulent prudents. « Les emplois vont se transformer de façon très importante, en termes de volumes c’est historique, on voit l’impact de façon plutôt clair sur les métiers actuels, mais l’effet sur les créations d’emplois dans de nouveaux domaines reste incertain », estime Jean Bernard Girault chez président d’HTS Consulting.
Pour le moment, les « banques se sont fixées pour objectif de se transformer sans laisser personne sur le bord de la route », rappelle Béatrice Layan. Autrement dit sans recourir à des plans de départs volontaires massifs. L’exercice a jusqu’ici été facilité par la pyramide des âges du secteur, mais désormais se pose pour les banques un défi inédit de formation de leurs équipes .
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