TÉLÉCHARGER LE RAPPORT LES SENIORS, L’EMPLOI ET LA RETRAITE
Allongement de l’espérance de vie, entrée plus tardive sur le marché du travail après des études plus longues et augmentation programmée de la durée requise pour avoir une retraite à taux plein reculent, depuis dix ans, l’âge auquel « le droit au repos » s’impose. Une tendance qui devrait encore s’accentuer : selon les projections du Conseil d’orientation des retraites, l’âge moyen de départ à la retraite devrait se situer autour de 64 ans d’ici la fin des années 2030, contre 61 ans et 10 mois aujourd’hui, hors éventuels changements de législation. Une augmentation projetée qui fait de l’emploi des seniors « un enjeu crucial tant au niveau de l’avenir collectif de notre système que des trajectoires individuelles des futurs retraités », soulignent Emmanuelle Prouet et Julien Rousselon. Pour les auteurs de ce rapport, le défi c’est de s’assurer que le recul de l’âge de la retraite n’aboutisse pas à des situations de chômage ou d’inactivité subie, coûteuses pour la société et les comptes publics.
Emploi des seniors : où en est la France ?
Rattrapage : depuis 2000, l’emploi des seniors augmente rapidement sous l’effet conjugué de la baisse des départs anticipés, des changements démographiques puis des réformes des retraites. En témoigne le taux d’emploi des 55-64 ans qui passe de 30 % en 2000 à 51 % en 2017. « C’est désormais plutôt autour des âges de 60-62 ans que le taux d’emploi tend à baisser, alors que pendant longtemps le cap des 60 ans est apparu comme une norme de cessation d’emploi. », résument les auteurs. Pour autant, le taux d’emploi des 60-64 ans reste, lui, très en dessous de la moyenne européenne, à un peu moins de 30 % en 2017 contre plus de 42 % dans l’Union européenne. Bilan : sur dix Français de 60 ans, quatre sont en emploi, trois sont en retraite et trois sont au chômage ou inactifs.
Sur le front de la qualité de l’emploi, les seniors apparaissent moins précarisés que le reste de la population. Globalement mieux payés, plus souvent en CDI et moins soumis au sous-emploi que leurs cadets, ils sont aussi moins souvent au chômage. Lorsqu’ils le sont, en revanche, ils font face à de plus grandes difficultés de retour à l’emploi et à un chômage de longue durée. Ce chiffre (parmi d’autres) pour illustration : en 2016, seuls 1,6 % des plus de 50 ans inscrits à Pôle emploi en sont sortis « pour reprise d’emploi » le mois suivant, contre 3,7 % chez les 25-49 ans.
Des difficultés spécifiques
Continuer à travailler ou s’arrêter, ce n’est pas toujours un choix. De fait, les seniors se heurtent à « des difficultés spécifiques » qui peuvent freiner leur maintien ou leur retour à l’emploi. Parmi toutes celles que les auteurs ont identifiées et analysées, on notera notamment le poids des représentations négatives liées à l’âge. L’espérance de vie augmente, mais les stéréotypes demeurent. L’âge constitue ainsi, avec le sexe, le premier motif déclaré des expériences de discrimination liées au travail, loin devant l’origine ethnique par exemple.
Autre frein : l’état de santé. Plus de la moitié des personnes prématurément sorties de l’emploi imputent leur décision à des problèmes de santé. Un chiffre à prendre au sérieux dans un contexte de quasi-stagnation de l’espérance de vie sans incapacité à 50 ans, depuis le début des années 2000. Plus largement, des conditions de travail difficiles, voire pénibles, sans aménagements de poste, peuvent parfois décourager le maintien en emploi. 28 % des seniors enquêtés avancent ce motif comme étant important dans leur décision de départ à la retraite.
Le système de retraite actuel incite-t-il à l’emploi ?
Les Français partent à la retraite à 61 ans et 10 mois en moyenne – un an plus tard qu’en 2003. Et si « profiter de la retraite le plus longtemps possible » reste le motif de départ le plus souvent cité par les nouveaux retraités, deux autres raisons le talonnent : l’atteinte de l’âge légal d’ouverture des droits (pour 69 %) et le bénéfice du taux plein (pour 67 %). Des statistiques qui font dire aux auteurs que « les règles du système de retraite qui structurent l’arbitrage entre niveau de pension et durée de retraite ont un impact fort sur le choix de décider d’arrêter [ou pas] de travailler ».
Emmanuelle Prouet et Julien Rousselon constatent en outre que les mesures qui consistent à modifier la durée d’assurance requise ont un impact de même ampleur que le relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite. Quant aux effets de ces mesures, ils ne sont pas mécaniques, préviennent-ils. En témoigne la réforme des retraites de 2010. Sa mesure phare, le recul de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 62 ans, s’est traduite par une progression de l’emploi des seniors pour la moitié des personnes concernées mais avec, pour les autres, des reports significatifs vers le chômage et l’inactivité (longue maladie et invalidité notamment).
Comment changer la donne ? Une chose est sûre : les mesures qui visent le prolongement des carrières ne peuvent faire l’impasse sur un renforcement des logiques préventives dans le cadre d’une politique de gestion des âges plus globale. Il s’agit en l’espèce de prévenir l’usure professionnelle, notamment par une amélioration des conditions de travail en amont des fins de carrière, mais aussi d’agir sur les leviers que sont la formation professionnelle tout au long de la vie, et une gestion intergénérationnelle des emplois et des compétences au sein des entreprises et des organisations qui permettrait par ailleurs de faire évoluer les représentations. « Une liberté de choix sans qualité de vie au travail ne s’exercera pas dans un sens favorable à la poursuite de l’activité », concluent les auteurs.
De fait, quand on demande aux Français qui pourraient techniquement partir en retraite pourquoi ils souhaitent continuer à travailler, la première raison qu’ils avancent est l’intérêt de leur emploi et des conditions de travail satisfaisantes.
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