- Publié le: vendredi 19 octobre 2018
Les syndicats de la banque bretonne Arkéa viennent, encore une fois, de prendre position contre le projet de désaffiliation du Crédit Mutuel porté par leur direction. Qui, comme à son habitude, a décidé de ne pas en tenir compte.
Pour les syndicats d’Arkéa, les jours se suivent et se ressemblent. Depuis plusieurs mois, la direction de banque bretonne, engagée dans un processus de sécession vis-à-vis de sa maison-mère, la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), boude les représentants syndicaux, opposés au projet.
Ce 18 octobre, les élus du Comité central d’entreprise votaient contre l’indépendance, à une large majorité, estimant que ce plan «?demeure dans un flou juridique?» et ne tient pas compte «?de paramètres essentiels comme le coût de refinancement, la possible dégradation de la notation bancaire, les incertitudes concernant les besoins en fonds propres ou encore la concurrence de nouvelles agences Crédit Mutuel?».
N’étant que consultatif, l’avis des syndicats n’a en rien changé les plans de la direction qui a «?pris acte de l’opposition des instances représentatives, tout en confirmant la poursuite de cette mise en œuvre?».
Dégradation du climat social
Rien ne va plus entre la direction et les syndicats de la banque bretonne : selon ces derniers, les dirigeants du Crédit Mutuel Arkéa (CMA), alternent entre rétention d’informations et désinformation, dans le seul but de faire capoter toute entreprise de contestation. «?Les attaques répétées du collectif de salariés [Vent Debout pour l’emploi, NDLR], dénigrant le travail des instances représentatives du personnel, avec les moyens que la direction leur a largement octroyés, (…) ont renforcé le clivage entre salariés?», affirme ainsi l’intersyndicale qui déplore également que «?l’outil Twitter [ait été] largement utilisé (…) de manière outrancière et univoque par la communication de l’entreprise pour appuyer son projet d’indépendance?».
La fracture entre la direction et les syndicats ne date pas d’hier. En juillet dernier, déjà, les représentants syndicaux se plaignaient du trop peu d’informations fournies par la direction, qui venait de rendre un document explicitant le projet de sécession. «?Un document de 34 pages, dont à peine 20 sont vraiment utiles, regrettaient alors les syndicats. C’est maigrelet pour une réforme de fond [et] vraiment peu pour un texte censé détailler les conséquences sociales, économiques et juridiques de la séparation.?»
Les élus du personnel de dénoncer également l’attitude du «?directeur général, Ronan Le Moal, [qui] n’est pas venu au comité central d’entreprise [du 5 juillet dernier, ndlr] alors qu’il présente le projet à tout le monde sur Twitter?». Une mise en coupe réglée des syndicats, qui en ont «?appris bien plus par la presse que dans [le] document?» fourni par les dirigeants.
«?Incertitude et menaces?»
Si le calendrier initial est respecté, les quelque 300 administrateurs des caisses locales d’Arkéa devraient se prononcer, courant novembre, sur la sécession effective du groupe breton. Qui perdrait, si le «?oui?» l’emporte, l’usage de la «?marque?» Crédit Mutuel, ainsi que plusieurs avantages importants liés au statut mutualiste, comme les mécanismes de solidarité financière prévus par la CNCM. Si bien que la nouvelle banque n’aurait plus rien de comparable avec l’ancienne, les caisses locales perdant alors leurs pouvoirs et le modèle économique d’Arkéa sa stabilité.
Loin de faire la sourde oreille, les dirigeants en ont bien conscience, eux qui, dans le «?document de référence?» publié fin août dernier, ont reconnu que «?le projet de désaffiliation […] est inédit et particulièrement complexe à réaliser. [L’indépendance d’Arkéa aura] des conséquences qui peuvent être difficiles à appréhender [et la direction] ne peut garantir que le projet sera conduit à son terme, qu’il ne devra pas faire l’objet de modifications majeures […]?».
Ces risques sérieux, les autorités de tutelle de la banque (Banque de France, Banque centrale européenne [BCE] et gouvernement) les avaient déjà communiqués aux dirigeants d’Arkéa, en début d’année. Qui, après les avoir balayés d’un revers de main, ont été contraints de mettre de l’eau dans leur vin. Sauf que, devant la vive dégradation de la situation sociale, au sein du groupe breton, les syndicats ont décidé d’en référer à leurs tutelles, en leur faisant suivre le courrier adressé au directeur général et au DRH, dans lequel ils exprimaient leurs craintes quant au futur d’Arkéa.
Selon les représentants du personnel, les autorités de tutelle, ayant joué franc jeu avec la direction depuis le départ, pourraient laisser libre cours à leur «?colère?». Et, par conséquent, se ranger du côté des syndicats. Qui ont déjà reçu, il y a quelques mois, le soutien indirect de Frédéric Ranchon, le président d’Arkéa Massif Central — l’une des trois fédérations de la banque bretonne —, qui a choisi de «?quitter Arkéa?». «?L’incertitude et les menaces qui planent sur le projet d’indépendance […] nous l’imposaient. Nous ne l’avons pas fait par ambition personnelle, mais dans l’intérêt de nos sociétaires et collaborateurs?» estimait-il alors.
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