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Le PDG du Crédit mutuel Arkéa poursuit son hallucinante guerre de sécession, avec une initiative incongrue : tous les salariés de la banque sont priés de venir manifester à Paris le 5 avril, tous frais payés, et sans perte de salaire. Une manif quasi obligatoire qui soulève bien des questions.

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le PDG du Crédit mutuel Arkéa, Jean-Pierre Denis, a de la suite dans les idées. Et dans sa bataille pour faire sécession de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM), il est prêt à user des idées les plus incongrues, jusqu’à organiser, en sous-main, une manifestation à Paris des salariés de la banque. Une manifestation tous frais payés qui soulève bien des questions.

De cette bataille bancaire inédite, Mediapart a déjà parlé, à l’occasion d’une longue enquête au cours de laquelle nous avons présenté la folle fuite en avant du patron de cette banque, qui regroupe les fédérations de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif central du Crédit mutuel, les dirigeants de cette dernière fédération refusant toutefois de faire scission. Mais, visiblement, le patron de la banque est prêt à jouer de tous les moyens pour convaincre la puissance publique de le laisser se séparer de la CNCM. À preuve, la dernière initiative en date qu’il vient de prendre en sous-main : l’organisation le 5 avril prochain d’une manifestation à Paris des salariés de la banque. Vérification faite, la préfecture de police de Paris a déjà été saisie d’une demande.

Certes, Jean-Pierre Denis n’apparaît pas en première ligne dans cette initiative, pas plus que d’autres dirigeants de la banque. C’est un collectif de salariés qui a pris sur lui d’adresser à certains de leurs collègues (à moins que ce ne soit à tous), le mail dans lequel apparaissent la photo et le message suivants :

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Mais à la lecture du mail, on comprend vite que tout cela est évidemment organisé en concertation avec la direction de la banque, sinon même à son initiative. Le message est en effet cousu de fil blanc : « Vous le savez peut-être déjà, mais un rassemblement et un cortège sont en train de s’organiser le jeudi 5 avril entre Bastille et Bercy. L’objectif : interpeller le gouvernement et les médias sur l’avenir du Groupe Arkéa et obtenir son indépendance. Dans le but d’en réserver les transports, nous voulons savoir si vous en êtes ! Quelques infos : le temps passé à la manifestation constitue du temps de travail effectif ; le transport et les repas seront assurés et pris en charge par l’entreprise ; on estime un départ entre 8 h et 10 h pour un retour entre 20 h et 22 h. »

Et les salariés sont donc conviés à cliquer sur le lien suivant pour s’inscrire à la manifestation.

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C’est donc consigné noir sur blanc : la manifestation sera considérée comme une journée de travail normale, payée par l’entreprise ; et le voyage et les repas seront aussi financés par l’entreprise. Merci qui ? Merci Jean-Pierre Denis…

Selon de bonnes sources, ce collectif de salariés qui a pris cette initiative n’est d’ailleurs pas une création spontanée : il est animé par des membres de la Société des cadres dirigeants, qui s’est constituée pour épauler Jean-Pierre Denis dans son aventure. Dans l’entreprise, ces cadres dirigeants disposent de moyens que les organisations syndicales ne peuvent en aucun cas espérer (mails à l’ensemble du personnel par exemple). Dans ce collectif, on retrouve aussi des responsables de la communication interne de la banque, laquelle communication interne est très active et presse les cadres dirigeants à se prêter à d’innombrables pitreries, comme dans cette vidéo ci-dessous :

Dans la vie sociale du pays, ce genre d’instrumentalisation des salariés par leur employeur a connu de nombreux précédents. Il n’empêche que dans le cas présent, l’initiative pose une cascade de questions. D’abord, la direction a visiblement vu les choses en grand : on parle de 5 à 10 rames de TGV qui auraient pu être affrétées. Pour le coup, les salariés récalcitrants, ceux qui ne souhaiteront pas s’associer à une initiative manipulée par leur employeur, et qui n’auront donc pas donné leur nom pour retenir leur place pour le voyage, pourront craindre de se faire repérer. Cette forme d’inscription nominative constitue une pression sinon même une intimidation sur les salariés.

Autre question : est-il certain que l’organisation d’une telle manifestation, financée par l’entreprise, entre dans son objet social ? Les clients de la banque pourront légitimement se poser la question et observer que c’est une curieuse utilisation qui est faite de leur argent.

Reste encore une inconnue : verra-t-on Jean-Pierre Denis, qui a commencé sa carrière à l’Inspection des finances, prendre la tête de la jacquerie patronale et marcher sur le ministère des finances qu’il connaît si bien ? Ce serait pour le moins cocasse.

PAR

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