Il n’y a pas que Notre-Dame-des-Landes. Dans l’Ouest, une autre décision importante devrait être annoncée dans les prochaines semaines : la séparation entre le Crédit-Mutuel Arkea et la Confédération nationale de Crédit Mutuel. L’épilogue d’un bras de fer qui, dans le domaine bancaire, relève d’un scénario aussi ébourrifant que celui de l’aéroport.
Cette fois, la séparation semble imminente mais pas vraiment surprenante. Depuis trois bonnes années, les tensions sont telles entre les deux parties et la détermination si forte du côté des dirigeants du groupe Arkéa qu’on ne voit pas comment des adversaires aussi acharnés pourraient rester sous le même toit.
Au sein de cette instance nationale, les relations sont depuis longtemps compliquées entre les deux plus puissantes composantes de la Confédération : les Alsaciens d’un côté, les Bretons de l’autre, Crédit Mutuel CIC à l’est, Crédit mutuel Arkéa à l’ouest. Mais avec l’arrivée de Jean-Pierre Denis à la tête du groupe Arkéa (Bretagne, Sud-Ouest, Massif central et de nombreuses filiales), les tensions déjà palpables ont tourné à l’affrontement ouvert, le président du groupe manifestant très vite des velleïtés d’indépendance par rapport à la confédération nationale, aux mains du CM-CIC. Selon lui, cette position dominante crée des distorsions de concurrence au profit de filiales du groupe de l’est de la France, ainsi informées de toute la stratégie menée par Arkea et ses filiales, avec qui elles sont parfois en concurrence directe sur le terrain. Et il n’a pas manqué d’en appeler à la fibre régionale pour revendiquer un soutien à ses options, comme lors des grandes manifestations de Brest.
Les deux ex-partenaires se déchirent aujourd’hui comme un couple en instance de divorce. Ils ne se parlent plus qu’à coups de décisions de justice et de lettres d’huissiers, en actionnant les leviers jusqu’aux instances européennes. Ici, ce n’est pas la garde des enfants qui est en jeu mais celle de la marque « Crédit mutuel » dont la Confédération nationale revendique l’exclusivité, en cas de rupture du contrat d’alliance. Fin octobre, l’Office de l’Union européenne de la propriété industrielle est allé dans le sens de la Confédération en indiquant qu’on ne peut partir avec la marque sous le bras si on quitte ce groupe national. Simple acte administratif, objecte la direction d’Arkea, en soutenant que seul le Tribunal de l’Union européenne serait compétent pour une décision de justice opposable.
Il n’empêche : du côté de l’intersyndicale du groupe Arkéa (CFDT, CGT, SNB, UNSA), on s’inquiète de la tournure des événements. Nourries au lait du mutualisme bancaire, ces instances syndicales voient avec inquiétude se profiler une rupture qui pourrait priver le groupe de l’Ouest de la France de sa marque historique « Crédit mutuel » et bousculer ainsi les fondements même de cette banque régionale. Ils en sont aujourd’hui à se demander si le président d’Arkea ne place pas désormais l’autonomie devant la conservation de la marque. Et si on ne pourrait pas ultérieurement assister à une guerre ouverte avec l’arrivée sur les terres de l’Ouest d’agences « Crédit mutuel » n’appartenant pas au groupe Arkea.
Jean-Pierre Denis, lui, continue à tracer sa route. Fort des résultats de la banque, qu’il a qualifiés l’an dernier d’ « historiques », le Président d’Arkea redit que son groupe et ses filiales ont les reins très solides et que leur périmètre d’activité et de résultats est supérieur à celui de centaines de banques européennes qui ont pignon sur rue.
Et cette fois, il accélère. Avec le soutien des autres dirigeants du groupe, il pourrait prochainement annoncer officiellement la séparation. Peut-être même avant le verdict sur Notre-Dame-des-Landes.
[Edit 15/01/18 17h]
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