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Engagé sur le terrain judiciaire depuis près de deux ans, le conflit au Crédit Mutuel opposant l’organe central de la banque à l’un de ses affiliés, Crédit Mutuel Arkéa, ne semble pas connaître de limites, au risque, selon des observateurs, d’entacher l’image du groupe et du mutualisme.

Le ton n’en finit plus de monter dans ce qui ressemble de plus en plus à une telenovela opposant deux factions: le CM11-CIC, soit le CIC et 11 des 18 caisses régionales du Crédit Mutuel, et Crédit Mutuel Arkéa, qui s’appuie essentiellement sur les fédérations de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif central du réseau mutualiste.

Dernier épisode: l’adoption mercredi par le conseil d’administration de l’organe central, la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), d’un projet de mécanisme de solidarité financière entre ses diverses entités, en réponse à des exigences de la Banque centrale européenne.
« Inenvisageable » pour Crédit Mutuel Arkéa, qui prépare un recours devant le Conseil d’Etat contre cette mesure.
Le coeur du problème, selon un porte-parole d’Arkéa interrogée par l’AFP, remonte à 1998 lorsqu’il y a eu « confusion entre les mandats des dirigeants de la CNCM et du CIC (devenu ensuite CM11-CIC) », Michel Lucas, alors numéro un du groupe, devenant président de la Confédération et de la plus grosse entité de la banque.

La Confédération, « normalement, est neutre et impartiale, mais dès lors qu’elle est dirigée par l’un des principaux affiliés, cela devient compliqué », estime-t-elle. Après « un certain nombre d’alertes », Arkéa a décidé en octobre 2014 d’attaquer en justice.
– Une dizaine de litiges en cours –

Depuis, plusieurs fronts se sont ouverts:

répartition territoriale de l’activité, utilisation de la marque Crédit Mutuel, concurrence, réforme statutaire, accusations de conflits d’intérêts, contestation de décisions du régulateur. Au total, une dizaine de litiges sont en cours, la quasi-totalité à l’initiative d’Arkéa.

Chez Arkéa, même si l’on a conscience de « parfois passer pour le mauvais élève », on argue qu’au conseil d’administration de la Confédération, « toutes les décisions peuvent être prises sans notre accord », l’affilié ne disposant pas d’une minorité de blocage.

Côté Confédération, « c’est une incompréhension », a affirmé à l’AFP Nicolas Théry, patron du groupe Crédit Mutuel. « On a fait toutes les concessions possibles et imaginables », déplore-t-il, assurant avoir fait des propositions à Arkéa restées lettre morte et leur « avoir réservé 3 sièges sur 18 au conseil d’administration, là où le CM11 en a 9 alors qu’il représente environ 80% du résultat du groupe ».

Seule issue, pour Arkéa : la création d’un deuxième organe central sous son contrôle qui reflèterait institutionnellement « une réalité économique où il existe deux groupes autonomes et concurrents » au sein d’un même ensemble, comme l’explique sa porte-parole.

Impossible, pour l’organe central qui a appelé mercredi, dans une délibération de son conseil d’administration consultée par l’AFP, son affilié rebelle à « reprendre toute sa place » dans la Confédération, tout en lui énumérant les conséquences négatives d’une scission : dégradation de sa notation nuisant à ses conditions de refinancement, perte de la marque et du partage territorial. Des arguments balayés par Arkéa.

– Risque de réputation grandissant –

« Il faudrait que les deux dirigeants, tous deux inspecteurs des Finances, se parlent et remettent tout à plat », avance Eric Lamarque, professeur à l’Institut d’administration des entreprises de Paris. « Peut-être vont-ils se rendre compte que le risque de réputation devient trop grand et qu’il faut arrêter ce genre de bagarres qui ne renvoit pas une bonne image du coopératisme et du mutualisme ».
« Les deux entités sont en concurrence frontale sur certains marchés » et le système mutualiste demande « de l’égalité entre toutes les structures », ainsi qu’un « minimum de coordination ou la capacité à refuser qu’il y ait une offre de l’un sur le territoire de l’autre », développe ce spécialiste du secteur.
Pour un autre spécialiste bancaire, qui souhaite garder l’anonymat, « le modèle mutualiste du Crédit Mutuel n’est pas pur car d’un côté, c’est une société coopérative de personnes — un homme, une voix — mais dans leur mode de gouvernance, les règles sont plus proches de la société de capitaux où les plus gros ont plus de voix que les plus petits », juge-t-il.
Du côté des banques mutualistes, certains s’inquiètent depuis que le conflit déborde sur les questions réglementaires. « Régulièrement, on explique les vertus de notre modèle à la BCE », raconte un concurrent, « devant un tel bazar, le superviseur peut s’interroger, sachant qu’il le considère déjà comme compliqué, et ne pas être favorable au maintien du statut coopératif ».

Source article de l’expansion.l’express

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